lundi 14 décembre 2015

Les bonnets rouges n’attendront pas le printemps pour être de sortie.


Au milieu de l’été, à la demande de certaines organisations d’éleveurs, le ministre de l’agriculture annonçait un accord pour maintenir le cours du porc au cadran breton au niveau de 1,40€ le kilo-carcasse, seuil de rentabilité minimum pour la majorité des éleveurs, en grande partie bretons ou situés dans le grand Ouest du pays.

Ce lundi 14 décembre, le cours du MPB s’est fixé à 1,068 € …

Ceux qui lisent régulièrement ce blog savent que cette politique de cours administrés était un non -sens et il est invraisemblable que le ministère ait pu se prêter à une telle manœuvre, à moins qu’il ait uniquement cherché à désamorcer un conflit qui risquait fortement de dégénérer en cette période estivale et à l’approche des élections régionales.

Le difficulté posée par la gestion à la petite semaine de problèmes structurels, c’est que ceux-ci vous reviennent un jour à la figure avec encore plus de force : c’est l’effet boomerang. Et c’est ce qui est en train d’arriver.

D’après des centres d’expertise comptable, cités par Ouest France (12-12-2015), ce sont environ 15 à 20 % des éleveurs qui vont déposer leur bilan dans les prochaines semaines et 20 % supplémentaires qui sont dans une situation précaire.

Comme cela est largement l'usage dans plusieurs filières de notre secteur agricole, on avance sans cap et sans boussole, en espérant seulement que les vents finiront par être favorables et le temps clément, avec force cierges allumés devant les autels des dieux concernés, parisiens ou bruxellois.


N’importe quelle entreprise d’une certaine importance définit régulièrement sa stratégie avec l’établissement de plans à trois ans, à cinq/sept ans et à dix/douze ans, permettant ainsi à son encadrement dirigeant de connaitre les objectifs et de prendre des décisions en cohérence avec ceux-ci. Ces plans sont régulièrement revisités en fonction des évolutions de l’environnement, que l’entreprise ne maitrise généralement pas.

Ces méthodes de management éprouvées ne sont pas pratiquées, à ma connaissance, dans de nombreuses filières agricoles, et plus particulièrement dans la filière porcine, qui emploie au bas mot plus de 50 000 personnes (aliment, élevage, abattage, transformation et services), en majeure partie dans l’Ouest de la France.
Le grand nombre et la petite taille des structures concernées, les querelles byzantines entre groupements, la concurrence entre industriels, coopératifs ou non, entre distributeurs et entre industriels et distributeurs, tout cela ne favorise pas la réflexion collective et quand la catastrophe s’annonce, il est trop tard.

Cette activité essentielle pourrait être dévolue aux pouvoirs publics, régionaux, nationaux et, rêvons, européens, voire même aux chambres d’agriculture. Hélas ! Depuis que l’idéologie dominante dans ces instances est de laisser faire la main invisible du marché (et celle plus obscure encore de la PAC), plus personne ou presque ne se préoccupe sérieusement de faire de la prospective opérationnelle.


Les gagnants ? Les gros, ceux qui se donnent les moyens de réfléchir et d’agir, les Tönnies qui investissent massivement en Europe de l’Est et en Russie (Tiens ? le marché russe est pourtant fermé…), les Smithfield, maintenant sous direction chinoise, qui créent des méga-élevages en Europe de l’Est, en Chine et ailleurs, les Danish Crown, qui investissent en Allemagne, sans parler du brésilien JBS et des autres mastodontes de la viande, ou encore des malins, comme les discrets intégrateurs espagnols qui inondent le marché européen..

Les perdants ? Ceux qui vont défiler avec leurs dérisoires bonnets rouges dans les rues de Carhaix, de Morlaix ou de Loudéac dans les semaines qui viennent, en compagnie de leurs collègues des secteurs bovin-viande, bovin-lait et de la volaille, et de leurs élus .


Nous pouvons nous demander ce que va bien pouvoir leur dire le ministère de l’agriculture…

Quant aux dirigeants professionnels, ils sont totalement dépassés et tétanisés par cette situation que personne n’a voulu prévoir.