Existe-t-il réellement un porc de haut de gamme en
France ?
Réponse : oui, mais hélas encore de façon beaucoup trop
marginale :
Le porc gascon, le porc corse ou le porc basque, constituent
des vitrines prestigieuses mais à usage presque uniquement local !
Un peu partout en France des éleveurs se sont lancés dans
des élevages que nous appellerons « non conventionnels », à la
recherche d’une qualité locale ou régionale à retrouver : élevage de plein air, en
liberté, de races locales à croissance lente, souvent éteintes, d’âge
d’abattage tardif, parfois sous label « bio », etc…
Toutes confondues, ces productions passent sous les radars
des statistiques de l’IFIP (Institut technique du porc) et ne doivent pas
représenter, sans doute de façon optimiste, plus de 0,5% de la production
française, avec une très faible croissance.
La plupart des éleveurs de cette catégorie sont souvent des
naisseurs-engraisseurs de très petite
taille, avec un cheptel de 2 à 20 truies, produisant entre 40 et 200 porcs /an et ne
trouvent leur équilibre économique qu’en réalisant eux mêmes la totalité du cycle de production :
naisseurs, engraisseurs, transformateurs pratiquant la vente directe, à la
ferme ou sur les marché de proximité.
Du fait de cette dispersion d’activités très chronophages, difficile
à maîtriser techniquement en totalité, les performances en activité de
naisseurs sont très souvent insuffisantes : qu’une truie mette bas 8
porcelets par an ou 20, elle consommera de toute façon 1,5 tonne d’aliment. Le résultat économique s’en ressent.
De nombreux éleveurs « non conventionnels »
souhaiteraient se débarrasser de cette
activité pour assurer seulement l’engraissement avant la transformation mais
ils ne trouvent pas de porcelets à acheter, de race locale et a fortiori en
« bio ». L’activité de naisseur n’est en effet pas assez
rémunératrice et les naisseurs, même
performants, gardent leurs porcelets pour eux
et ne vendent que des surplus quand il y en a.
Cette organisation chaotique explique la diversité des pratiques et le
déficit d’image collective.
Un marché potentiel inexploité. Déficit d'offres structurées.
Côté débouchés, pas de problème ! La plupart des producteurs
de porcs « non conventionnels » et de charcuteries issues de ces
animaux, n’arrivent pas à satisfaire
toute leur clientèle, tout en pratiquant
des prix élevés !
Si l’on vise un premier objectif de 1% du marché, cela
représente environ 22 000 tonnes, soit 220 000 porcs à produire par
an. On en est très loin !
En outre, le gros du marché pour ce type de produit se trouve
surtout dans les villes ou dans des lieux touristiques, là où le pouvoir
d’achat est élevé. Or les distributeurs qui alimentent ces marchés,
généralistes comme spécialisés, et les transformateurs, charcutiers et
salaisonniers, n’ont pas accès à ce type d’animaux, pour plusieurs
raisons :
-
L’inorganisation de l’offre, l’absence d’organisation
collective et de masse critique, pour les raisons que nous avons abordées ci-dessus,
qui interdit une offre régulière semaine après semaine, indispensable pour
installer un marché dans des circuits de transformation distribution plus long.
-
La sous-évaluation de la valeur réelle des
carcasses et de la viande de ce type d’animaux, ce qui décourage les éleveurs à
vendre en carcasse.
La qualité, ça se
paye !
Habitués à acheter des carcasses à 2€ le kg, parfois 2,5€
quand il s’agit d’un porc label rouge, les transformateurs et
intermédiaires lèvent les bras au ciel
lorsque un prix de vente au kg/carcasse est annoncé de 5€ pour du non bio et de
7€ pour du bio !
C’est pourtant à ce prix- là qu’une filière de porcs premium
pourra s’installer de façon durable et il y a fort à parier que le consommateur
averti acceptera de payer le prix si la qualité se voit dans l’assiette.
Qu’est-ce qu’un porc « premium » ?
-
Un porc de race locale à croissance lente et
apte au plein air.
Un parcours minimum de 250 m2 par animal, soit
40 porcs/hectare.
-
Un âge d’abattage à 10 mois minimum.
-
Une nourriture équilibrée avec très peu ou pas
de maïs, surtout de l’orge, du blé, pois, féverole, topinambours, etc… et les
ressources du parcours selon saison.
La viande produite est alors rouge, persillée, le gras dur
savoureux et n’a plus rien à voir avec
du porc de batterie, fut-il Label Rouge ou même bio basique.
Construire des filières locales
Pour obtenir ce type d’animaux de façon régulière, il faut impérativement
reconstruire des filières locales, surtout dans les endroits où il existe une
tradition charcutière et salaisonnière…. Et où il n’y a plus de d’élevages de
façon significative. En gros, tout le grand sud-est du pays, au sud d’une ligne
allant de l’Alsace au Pays Basque, et même ailleurs !
Il faut dans chaque endroit définir un objectif qualitatif
des animaux, morphologie, aptitudes techniques, etc… et créer des pépinières de
sélection et production de reproducteurs.
La production de porcelets, le naissage, doit être confiée à des spécialistes, en les rémunérant
correctement par un prix de porcelet adapté et ne subissant pas les fluctuations
d’un marché national aux cours erratiques.
L’engraissement sera assuré par des éleveurs réunis en
groupement et qui établiront ensemble une grille tarifaire rémunératrice à tous
les niveaux et négociée avec les entreprises de l’aval,
Hermes, superbe truie de l'élevage "le cochon drômois allaitant dans la cour les douze porcelets croisés duroc de sa dernière portée.
Hermes, superbe truie de l'élevage "le cochon drômois allaitant dans la cour les douze porcelets croisés duroc de sa dernière portée.
Le projet du cochon Rhône-Alpin
Yaqua focon, et pourquoi pas essayer ?
Un premier projet de ce type va démarrer bientôt en Haute
Savoie, à titre expérimental, soutenu par des professionnels éleveurs,
transformateurs et distributeurs de toute la région Auvergne Rhône Alpes, ainsi
que le Conseil Régional et diverses organisations professionnelles.
Il s’agit de (re)construire deux « races » :
le porc de Bresse-Savoie et le porc du Dauphiné.
L’objectif est d’installer une pépinière pour la sélection
des reproducteurs, de recruter des naisseurs professionnels, puis de multiplier
les installations d’engraisseur sur différents types d’exploitations disposant
de parcours suffisants , et d’écouler les produits soit en vente directe soit
par les réseaux de transformation et distribution intéressés, le tout avec un
cahier des charges à tous les niveaux, une grille tarifaire contraignante, une
marque commerciale et une certification.
Pour être engraisseur : il faut disposer de 5 hectares minimum
de parcours (friche, lande, bois de feuillus, etc…), installer une clôture
normalisée « porc de plein air », des cabanes, abreuvoirs et
réfectoires (environ 40 000 € d’investissement au total), s’occuper à
mi-temps des animaux (365 jours par an quand même).
200 à 300 animaux engraissés, environ 15 000 € à 25 000
€ de revenu brut (hors charges sociales mais tous les frais d’exploitation et
amortissements déduits).
Nous aurons l’occasion d’en
reparler très prochainement.