Quel est l'avenir de la filière porcine française ? Ce blog parle de cochons, de porcs, de races porcines, d'élevages,de transformations bouchères et charcutières, des réseaux de distribution des produits porcins et de leurs différents modes de consommation. D'aujourd'hui, mais surtout de demain ! Il s'adresse à tous les amateurs de cochons,de "bons cochons", de cochons issus d'élevages durables, respectueux de l'environnement. Ils sont invités à donner leur avis et à débattre !
lundi 14 décembre 2015
Les bonnets rouges n’attendront pas le printemps pour être de sortie.
Au milieu de l’été, à la demande de certaines organisations d’éleveurs, le ministre de l’agriculture annonçait un accord pour maintenir le cours du porc au cadran breton au niveau de 1,40€ le kilo-carcasse, seuil de rentabilité minimum pour la majorité des éleveurs, en grande partie bretons ou situés dans le grand Ouest du pays.
Ce lundi 14 décembre, le cours du MPB s’est fixé à 1,068 € …
Ceux qui lisent régulièrement ce blog savent que cette politique de cours administrés était un non -sens et il est invraisemblable que le ministère ait pu se prêter à une telle manœuvre, à moins qu’il ait uniquement cherché à désamorcer un conflit qui risquait fortement de dégénérer en cette période estivale et à l’approche des élections régionales.
Le difficulté posée par la gestion à la petite semaine de problèmes structurels, c’est que ceux-ci vous reviennent un jour à la figure avec encore plus de force : c’est l’effet boomerang. Et c’est ce qui est en train d’arriver.
D’après des centres d’expertise comptable, cités par Ouest France (12-12-2015), ce sont environ 15 à 20 % des éleveurs qui vont déposer leur bilan dans les prochaines semaines et 20 % supplémentaires qui sont dans une situation précaire.
Comme cela est largement l'usage dans plusieurs filières de notre secteur agricole, on avance sans cap et sans boussole, en espérant seulement que les vents finiront par être favorables et le temps clément, avec force cierges allumés devant les autels des dieux concernés, parisiens ou bruxellois.
N’importe quelle entreprise d’une certaine importance définit régulièrement sa stratégie avec l’établissement de plans à trois ans, à cinq/sept ans et à dix/douze ans, permettant ainsi à son encadrement dirigeant de connaitre les objectifs et de prendre des décisions en cohérence avec ceux-ci. Ces plans sont régulièrement revisités en fonction des évolutions de l’environnement, que l’entreprise ne maitrise généralement pas.
Ces méthodes de management éprouvées ne sont pas pratiquées, à ma connaissance, dans de nombreuses filières agricoles, et plus particulièrement dans la filière porcine, qui emploie au bas mot plus de 50 000 personnes (aliment, élevage, abattage, transformation et services), en majeure partie dans l’Ouest de la France.
Le grand nombre et la petite taille des structures concernées, les querelles byzantines entre groupements, la concurrence entre industriels, coopératifs ou non, entre distributeurs et entre industriels et distributeurs, tout cela ne favorise pas la réflexion collective et quand la catastrophe s’annonce, il est trop tard.
Cette activité essentielle pourrait être dévolue aux pouvoirs publics, régionaux, nationaux et, rêvons, européens, voire même aux chambres d’agriculture. Hélas ! Depuis que l’idéologie dominante dans ces instances est de laisser faire la main invisible du marché (et celle plus obscure encore de la PAC), plus personne ou presque ne se préoccupe sérieusement de faire de la prospective opérationnelle.
Les gagnants ? Les gros, ceux qui se donnent les moyens de réfléchir et d’agir, les Tönnies qui investissent massivement en Europe de l’Est et en Russie (Tiens ? le marché russe est pourtant fermé…), les Smithfield, maintenant sous direction chinoise, qui créent des méga-élevages en Europe de l’Est, en Chine et ailleurs, les Danish Crown, qui investissent en Allemagne, sans parler du brésilien JBS et des autres mastodontes de la viande, ou encore des malins, comme les discrets intégrateurs espagnols qui inondent le marché européen..
Les perdants ? Ceux qui vont défiler avec leurs dérisoires bonnets rouges dans les rues de Carhaix, de Morlaix ou de Loudéac dans les semaines qui viennent, en compagnie de leurs collègues des secteurs bovin-viande, bovin-lait et de la volaille, et de leurs élus .
Nous pouvons nous demander ce que va bien pouvoir leur dire le ministère de l’agriculture…
Quant aux dirigeants professionnels, ils sont totalement dépassés et tétanisés par cette situation que personne n’a voulu prévoir.
vendredi 6 novembre 2015
Pour créer de la valeur : viser l'excellence et organiser la rareté.
« L’ennui naquit un jour de l’uniformité ». Cet adage bien connu que l’on doit à un poète resté confidentiel (Antoine Houdar de la Motte, le saviez-vous ?) est devenu à l’insu de son plein gré un des fondamentaux du marketing stratégique.
Que faire sur un marché important, banal et récessif, un marché où l’offre est abondante et uniforme et la demande uniquement orientée par le prix ?
Diminuer ses coûts pour devenir encore plus compétitif, répondront en cœur les hérauts de cette fameuse et mal nommée « économie de l’offre ». Sur un marché ouvert aux quatre vents, comme celui du porc, cela conduit à rationaliser et agrandir les exploitations pour obtenir de meilleures performances techniques, c’est-à-dire en fait à diminuer le nombre d’élevages et d’éleveurs, à concentrer la production sur un minimum d’espace dans un minimum de régions, au détriment des autres , à réclamer à grands cris moins de contraintes environnementales, de charges sociales, d’impôts (y compris ceux qui frappent d’abord les concurrents comme l’Ecotaxe…), ce qui revient à accorder des droits à polluer et à développer un sous-prolétariat rural (éleveurs inclus) qui devra compter sur l’aide publique pour assurer sa santé et plus tard sa retraite. Une vaine et dérisoire course à l’échalotte, qui est en train de se finir très mal comme on peut actuellement le constater.
L’économie de l’offre, cela pourrait être autre chose : proposer des produits innovants qui dégagent de la valeur ajoutée. Cela peut aller de paires avec une autre tactique : créer l’envie par la rareté…. et faire ainsi accepter par le consommateur un prix plus élevé, que l’on justifie par la qualité et la satisfaction d'acquérir un produit valorisant. D’une certaine façon, il s’agit pour le producteur de construire sur son nom et sa pratique sa propre demande, qualitative et solvable (petit clin d'œil à JB Say, et sa loi des débouchés: "l'offre crée sa propre demande", qui sera ainsi confortée !).
Il n’y a pas besoin d’avoir lu Bourdieu pour comprendre que, si tout le monde a besoin d’une voiture pour se déplacer, certain se contentent d’une Dacia d’occasion et d’autres se sentiraient déchus de ne pas rouler avec le dernier modèle de Ferrari (délai de livraison, 6 mois minimum), ou d’Aston-Martin (la Porsche, ça fait maintenant un peu pollueur ringard !), avec heureusement tout l’éventail des choix intermédiaires.
Dans le domaine de l’habillement, de l’équipement de la maison, des voyages, et beaucoup d’autres, les producteurs l’ont bien compris, il en faut pour tous les goûts, à tous les prix, et même dans le secteur du Luxe, il y en a pour toutes les bourses : chacun a droit à son petit bout de luxe de temps à autre…
Sans compter que cela crée une dynamique, un "effet de gamme", qui pousse clients et fournisseurs vers le haut, vers le plus qualitatif, qui finit souvent par devenir plus accessible au plus grand nombre.
Dans l’alimentaire aussi. Il existe sur presque chaque rayon un premier prix, un produit MDD, un produit de marque et, assez souvent, un « haut de gamme », plus ou moins artisanal et régional quand cela est possible. Tous sont des produits qualitatifs, mais avec des niveaux d’attente de la clientèle différents et des niveaux de prix différents.
C’est aussi une réalité pour les produits porcins : le prix d’une tranche de jambon sec peut varier du simple au quintuple dans un même magasin en fonction de critères plus ou moins objectifs comme le lieu d’achat, l’enseigne, l’appellation, la marque, le conditionnement, etc… Un point commun cependant: dans la quasi-totalité des cas, le prix du porc acheté à l’éleveur reste le même, en fonction du cours fixé ( ?) par le cadran breton.
Il n’existe quasiment aucune capitalisation sur l’origine, la qualité, la marque de la matière première, comme cela est le cas dans le secteur viticole, le fromager AOP, et aussi, à un niveau moindre, maraîcher.
Et pour cause : la filière porcine actuelle, adepte de l’économie de l’offre la plus dogmatique, consacre depuis 30 ou 40 ans des moyens puissants souvent fournis par l’Etat, sur les différentes façons de produire moins cher en uniformisant l’offre. A l'exclusion de toute autre démarche.
On en voit le résultat….
Les quelques tentatives de diversification par la qualité restent marginales, car en fait trop peu segmentantes dans l’esprit du consommateur. Le porc fermier label rouge ou bio, c’est mieux que rien, mais ça ne fait pas vraiment rêver non plus.
Les quelques producteurs locaux de porcs de races locales, élevés en plein air, etc… travaillent souvent avec des moyens très limités, sont peu formés et en aucun cas reconnus ni soutenus par la filière. Pourtant les meilleurs d’entre eux n’arrivent pas à fournir leurs clients.
Alors ?
Il faut impérativement retourner la méthode d’approche du marché et des consommateurs.
- La consommation de viande en général et de porc en particulier est appelée à diminuer régulièrement.
- L’attente des consommateurs, et en particulier de ceux qui constituent les leaders d’opinion par le pouvoir d’achat et le niveau culturel, se porte de plus en plus vers l’authenticité, la typicité, le terroir, le produit sain, la proximité etc….
- Ces attentes peuvent se gérer au plus près de la production, de l’élevage comme de l’abattage, la découpe et la transformation en circuit court (ce qui ne signifie pas uniquement vente locale: "produire local, vendre mondial").
- Il est donc indispensable de réfléchir à la façon d’apporter de la typicité et de l’authenticité et de l'identité dès l’élevage :
o La race de porc
o Les conditions d’élevage, qui doivent rendre les animaux visibles de tous.
o L’alimentation, à base de productions locales
o L’âge d’abattage
o La proximité : redéployer les élevages sur tout le territoire, en fonction des traditions charcutières et salaisonnières locales.
o L’appellation d’origine, publiques (AOP, IGP, etc…) ou tout simplement privées avec une marque commerciale et une certification.
- De se sortir de la logique des marchés de masse incontrôlables (l’aliment et la carcasse TMP 56).
- D’intégrer l’aval dans une même structure économique (entreprise filière) afin d’éviter les conflits d’intérêt que provoque la répartition de la valeur ajoutée entre les différents niveaux de la filière.
Une telle démarche doit produire trois effets :
- Effet d’excellence : relancer le marché par une offre de haute qualité.
- Effet de rareté relative, toujours par une production maîtrisée (gestion quantitative de l’offre)
- Effet d’envie auprès de ceux qui n’y ont pas encore accès (gestion de la communication)
En fait, en matière de stratégie, on n’invente rien, on copie les stratégies des producteurs de luxe, entre autre dans le secteur viticole.
Encore faut- il s’en donner les moyens.
Sur de telles bases, il doit être possible de ramener des capitaux privés autour de projets d’entreprises filières crédibles, susceptibles en outre de faire remonter de la valeur ajoutée dans les campagnes en perte de vitesse et de relancer une dynamique prospective dans ce secteur actuellement naufragé.
Ceux qui veulent en savoir plus peuvent me contacter.
quelcochonmangeronsnousdemain@gmail.com
mardi 29 septembre 2015
Les grandes illusions du Ministre de l‘Agriculture
Dans ses dernières déclarations, Stéphane Le Foll, notre ministre de l’agriculture, a ouvertement manifesté sa fureur envers les dirigeants agricoles, et en particulier ceux de UGPVB (Union Générale des Producteurs de Viandes de Bretagne), qui l’ont lâché en rase campagne dans son combat pour garantir un prix plancher de 1,40€/kg au marché du porc breton dont les cours font référence au niveau national, signant ainsi la fin d’une illusion.
Il était évident que ce cours artificiel ne pouvait être tenu dans une conjoncture d’important différentiel de cours avec nos principaux concurrents européens, Allemagne en tête. A cela s’ajoute les baisses saisonnières : tous les ans, en effet, le cours du porc au Marché du Porc Breton de Plérin ( et partout en Europe) atteint son apogée au mois d’août pour ensuite redescendre assez rapidement jusqu’au mois de décembre avant de reprendre une lente ascension à partir de mars.
Le fait que les cours de l’été 2015 ont été en retrait sur ceux de 2014, eux-mêmes en retrait sur 2013, ne signifie pas que la baisse saisonnière d’automne n’aura pas lieu : il faut s’attendre à un cours de l’ordre de 1,10 € à 1,20€ à la fin de l’année, loin des 1,40 € demandés par les représentants des éleveurs et avalisés par le Ministre au mois de juillet.
Selon le MPB, le cours moyen cumulé sur les 9 premiers mois (39 semaines) a été de 1,261€/kg carcasse TMP 56, contre 1,395€ pour la même période de 2014 et 1,487€ pour 2013. Même si le coût de l’aliment a un peu baissé sur cette longue période, le compte n’y est vraiment plus pour la plupart des éleveurs. Pourtant, même à ce prix, le porc français est plus cher que ses concurrents.
Les industriels, qu’ils soient privés comme Bigard, ou coopératifs comme la Cooperl, qui commercent au niveau européen et mondial surtout pour dégager les viandes de fabrication en excédents et importer des viandes nobles (surtout les jambons),dont la France est déficitaire, ne peuvent se permettre de façon durable d’acquérir du porc entre 5 et 8% plus cher qu’au cours européen où achètent (officiellement) leurs concurrents allemands ou espagnols : il en va de leur survie sachant que les marges opérationnelles dans cette activité d’abattage découpe sont très faibles. D’où leur retrait du marché qui n’en est plus un si les cours sont administrés.
La position de l’UGPVB et d’autres dirigeants professionnels de libérer à nouveau le marché était la seule logique pour le sauver et garder ainsi un indicateur de prix de référence même s’il est très imparfait et ne correspond pas aux attentes des éleveurs.
La seconde proposition de notre ministre, celle de la contractualisation, parait elle aussi assez utopique à défaut de précision, peut-être moins au niveau des volumes qu’au niveau des prix. On ne voit pas des opérateurs industriels, liés ou non avec des distributeurs, se lier les mains en prenant des engagements de prix sur des volumes conséquents alors qu’ils restent en concurrence directe sur un marché imprévisible à court-moyen terme.
La seule contractualisation qui pourrait prospérer sur le long terme est celle de la qualité, à se mettre d’accord sur un objectif progressif de montée en gamme, c’est-à-dire de produire du porc de haute qualité, visible par le consommateur et susceptible de dégager enfin de la valeur ajoutée séparément des cours des produits de masse.
Cela nécessite un important travail en amont (choix de races, de mode d’élevage, d’alimentation, d’âge d’abattage, etc.), et un accompagnement des éleveurs, tant sur le plan technique que financier car une telle démarche de reconversion nécessite des capitaux...
C’est dans ce sens que devrait s’engager le ministère, les organisations professionnelles, les centres de recherche, les industriels et les distributeurs.
Qui en prendra le premier l’initiative ?
jeudi 10 septembre 2015
Pendant les manifestations, la baisse des cours continue…. et après ?
En dépit d’une faible hausse de 0,2 ct€ lundi dernier et un petit raffermissement du cours allemand, les cours du Marché du Porc Breton (MPB) de Plérin se sont engagés sur une pente baissière depuis les 1,40 € décrétés par le Ministre au milieu du mois d’août. Ce matin jeudi, le cours s’est établi à 1,376 €. Cette tendance devrait malheureusement se poursuivre dans les semaines et les mois qui viennent, probablement jusqu’à la fin de l’année.(Voir article précédent, ci-dessous)
Vouloir maintenir des cours internes à la France déconnectés des cours européens et mondiaux est une utopie qui ne peut plus tromper personne dans une économie européenne volontairement de plus en plus dérégulée.
Les mesures prises, autant en France qu’à Bruxelles, devant la situation catastrophique et la colère manifestée par un nombre important d’éleveurs n’auront sans aucun doute pour effet que de retarder de quelques mois l’inéluctable : l’abandon de l’activité par des centaines, si ce n’est des milliers d’entre eux, avec une répercussion évidente sur les activités avales d’abattage et de transformation, principalement dans l’ouest du pays.
Les souhaits formulés par le Président de la FNSEA, 3 milliards sur 3 ans pour moderniser les bâtiments agricoles, automatiser les abattoirs ou encore renforcer la productivité des exploitations sont bien flous et fortement teintés de démagogie : qui va payer ? L’Etat qui n’a pas d’argent, Bruxelles qui ne le veut pas par idéologie ou les banques qui ne se risqueront pas à prêter à des éleveurs déjà fortement endettés
Le chiffre de 3 milliards, quant à lui, n’est pas fantaisiste. Dans une étude publiée en 2011 (Quels modèles d’élevage d’avenir pour la production porcine française, parue dans Innovation Agronomique n°17) les économistes de l’IFIP évaluaient déjà entre 2,4 et 2,7 milliards les investissements nécessaires à la mise à niveau de compétitivité des élevages français, à mettre en face des quelques 3,5 milliards auxquels on peut évaluer la valeur annuelle de la production de carcasse.
Cela fixe l’ampleur de la tâche et ne fait que souligner le montant dérisoire de l’aide annoncée autant par le Gouvernement (90 millions d’euros/an sur trois ans) que par la Communauté Européenne (rien !).
Les éleveurs sont laissés à eux-mêmes et à leur désespoir, confiés à leurs seuls responsables professionnels eux-mêmes en plein désarrois. Rappelons que la filière porcine emploi environ 30 000 personnes en Bretagne, aux prises aussi avec la crise du lait, du bovin viande et, à moindre niveau, de celle de la filière avicole.
Les réponses apportées montrent que les pouvoirs publics n’ont pas encore pris conscience de la catastrophe annoncée.
Alors que faire ?
D’abord arrêter de se raconter des histoires, ce qui va être le plus difficile.
Puis prendre à bras le corps la reconversion d’une majorité d’éleveurs porcins qui ne peuvent plus rester dans la course et non pas les laisser continuer sous perfusion jusqu’à l’agonie. Cela concerne aussi l’aval de la filière. Les trois milliards annoncés (un peu hâtivement) par le Premier Ministre doivent servir en priorité à cela et non à aider à la survie d’élevages obsolètes.
Ensuite favoriser l’investissement privé (et pas seulement bancaire) dans les élevages qui ont les moyens de s’agrandir et d’atteindre une taille critique pour rester dans la compétitivité européenne.
Enfin engager une politique de filière sur des bases de montée en gamme, de production de haute qualité gustative et environnementale, de relocalisation sur tout le territoire avec comme objectif annexe la reconquête de zones rurales délaissée, etc…
Oui, enfin une véritable politique industrielle prospective qui ne peut être initiée que par les pouvoirs publics, nationaux et régionaux, qui financent plus ou moins directement des cohortes de chercheurs et techniciens de terrain via l’INRA, les Chambres d’Agriculture et de nombreux organismes de soutien qui jusqu’à présent ne font que diffuser la pensée unique et mortifère du porc industriel.
Cette implication des pouvoirs publics doit nécessairement entrainer celle des agents économiques concernés : distributeurs, industriels de l’abattage et de la transformation, fabricants d’aliment, qui devront cesser leur tactique courtermiste et participer à ce redéploiement stratégique qui peut replacer la production porcine française au premier plan, dégager enfin de la valeur ajoutée et contribuer à la croissance et à l'équilibre de la balance du commerce extérieur.
Au travail !
vendredi 21 août 2015
Pourquoi le cours du porc n’a aucune chance de se maintenir à 1,40 €.
Le maintien du cours du porc à 1,4 € au marché du porc breton (MPB) de Plérin est devenu ces derniers jours une sorte de totem auquel se raccrochent les différents acteurs de la crise porcine de cet été.
Or il y a toute probabilité que ce cours baisse rapidement, et de façon durable.
En outre, ce cours est surtout un indicateur qui permet de fixer au niveau national le prix d’une majorité de transactions concernant le porc frais. Il n’est pas contraignant et des transactions hors cours du MPB sont assez fréquentes. Il cache surtout d’importantes disparités entre les élevages.
La disparité de rentabilité des élevages
Le cours de la carcasse au Marché du Porc Breton (MPB) correspond par convention à une carcasse de porc d’un poids compris entre 80 et 85 kg et d’un TMP 56.
Le TMP est un indice calculé pour chaque carcasse à l’abattoir et correspondant, pour faire simple, au taux de gras par rapport aux muscles. Plus le TMP est élevé, moins la carcasse est grasse, résultat souhaité.
Les lots présentés n’étant que très rarement homogènes, un système de classement attribue primes ou pénalités à chaque carcasse. Ainsi, une carcasse d’un poids compris entre 85 et 97 kg se verra attribuer une prime de 2 ct/kg et surtout une prime de 17 ct/kg si son TMP est compris entre 61 et 63, soit au total un prix de vente de 1,59 € pour un cours de 1,40 €.
A l’inverse, une carcasse de 74 kg avec un TMP de 51 (très grasse) sera payée à l’éleveur 1,05€/kg.
Les éleveurs cherchent donc tous à présenter des animaux s’approchant le plus des standards primés, carcasse d’environ 90 kg de TMP 62.
C’est la raison pour laquelle le prix réel payé à l’éleveur est en moyenne de plus de 10 ct d’euro supérieur au cours du cadran, avec cependant de fortes disparités selon la technicité des éleveurs.
Cela ne signifie pas pour autant que les éleveurs disposent ainsi de sur-revenus mais cela explique en partie les écarts de rentabilité et le fait que certains s’en sortent et d’autres non.
La variation saisonnière des cours
Les mois d’été sont régulièrement les mois où les cours sont au plus haut (voir graphique ci-dessous), liés à une demande soutenue de produits à griller.
Même si les cours de cette année sont restés bien en deçà des années précédentes, il est certains qu’ils reprendront une pente descendante dans les prochaines semaines.
Un marché mondial saturé.
La fermeture brutale du marché russe au début 2014, sous des prétextes sanitaires au départ mais qui se sont avérés rapidement pour des raisons politiques a déstabilisé le marché européen, la Russie étant alors la principale destination d’exportation des porcs allemands, espagnols et, à un niveau moindre danois et français.
Assez rapidement les allemands, danois et espagnols se sont ouvert de nouveaux débouchés en Extrême Orient, au Japon, en Corée, aux Philippines, en Chine, etc… Ils ont en effet profité des graves difficultés rencontrées par les USA et, à niveau moindre, par le Canada, dont les élevages ont été atteints en 2013 et 2014 par une épidémie de diarrhée qui a éliminé des millions de porcelets, conduit à une baisse importante de production et à une envolée des cours (jusqu’à 2,3 US dollar !) qui les ont conduit à être absent de leurs marchés habituels d’Extrême Orient.
Cette épidémie est maintenant en partie jugulée et les éleveurs américains vont chercher à reprendre leurs parts de marché, avec un porc traditionnellement plus compétitif que le porc européen. Ajoutée à une probable contraction du marché chinois, le plus important de la planète, et aux incertitudes du marché russe (où la production locale progresse avec l’aide d’industriels allemands), cela va conduire les exportateurs européens à se replier sur leur marché intérieur.
Ne parlons même pas du projet de traité commercial Europe-USA dont on ne sait pas exactement ce qui s’y négocie….
Selon une étude réalisée en avril par la banque néerlandaise Rabobank (l’équivalent local du Crédit Agricole), et citée par la revue « Réussir Porc » du mois de mai, prix du porc vont baisser dans le monde. Rabobank avait prévu, en avril, la limitation de la hausse saisonnière constatée cet été.
On ne voit dans tout cela apparaitre aucune raison de se réjouir et il semble difficile pour les responsables français de miser sur le maintien durable d’un cours intérieur français ou européen complétement déconnecté des cours mondiaux.
samedi 15 août 2015
La fin programmée d’un modèle économique obsolète.
La filière porcine française (bretonne ?) est entrée ces derniers jours dans une crise aigüe.
Elle n’en sortira ni rapidement ni sans douleur.
Seuls les ignorants ou les cyniques peuvent prétendre qu’ils n’ont pas vu venir cette crise, seuls les hypocrites peuvent prétendre que la faute en incombe aux autres, bien évidemment, selon le cas : le gouvernement, l’Europe, les distributeurs, les industriels, les éleveurs, leurs organisations syndicales et professionnelles, etc….
Que la Cooperl, vaisseau amiral du porc breton, coopérative d’éleveurs (environ 2 700) censée représenter leurs intérêts et qui intervient à tous les niveaux de la filière, de la production d’aliment à la fabrication industrielle de produits élaborés, s’essayant même à la distribution directe, se retrouve sur les mêmes positions que l’entreprise privée Bigard, leader français de la viande, absent des activités d’élevage, cela peut surprendre : compétition européenne (et mondiale) oblige, le prix de la carcasse ne peut être fixé selon eux que par le marché libre, c’est-à-dire depuis plusieurs années largement en dessous de son prix de revient moyen dans l’élevage français, mais en phase cependant avec leurs concurrents espagnols ou allemands. Dans une logique d’abatteur-transformateur et d’exportateur, cette position est justifiée, mais dans celle d’une coopérative d’éleveurs….
Face à cette crise, les mesures annoncées par les pouvoirs publics sont incantatoires (il faut que tout le monde se mette autour de la table et s’entende !) et dérisoires (valorisons le porc français !) et celles proposées par les représentants de la profession largement démagogiques (baissons les « contraintes » sociales et environnementales, les charges fiscales, etc… !).
Cela signifie surtout que plus personne ne sait vraiment quoi faire à court terme, payant ainsi l’inertie et le manque de stratégie globale auxquelles tout le monde a participé, par conformisme, par routine et même par idéologie.
Le drame économique et social qui s’annonce dans l’ouest porcin (en même temps que le laitier, le bovin-viande et même le volailler) est très certainement du même ordre que celui connu dans l’est sidérurgique ces dernières décennies, avec des éleveurs sur endettés et en état de faillite et des outils industriels en sous-capacité et partiellement obsolètes.
Cette situation très grave résulte d’abord de l’absence de choix fait depuis au moins dix ans entre une stratégie de productivité recentrée sur quelques produits standards à bas coûts, (la carcasse de porc de 90 kg TMP 60) qui implique la mise en place d’élevages de grandes dimensions et de forte intensité capitalistique, et une stratégie de produits de haute qualité gustatives et environnementale, porteuse d’images et susceptible, elle, d’être supportée par des exploitations artisanales-familiales, regroupées éventuellement en coopératives ou autour de transformateurs industriels régionaux spécialisés, construisant des filière locales ou régionales.
Vouloir produire du porc industriel, sur une seule région (le grand ouest) pour toute la France, de façon compétitive avec des moyens artisanaux-familiaux sous capitalisés et modestement managés comme l’a prétendu, et le prétend encore, la quasi-totalité des responsables professionnels et en particulier ceux de leur syndicat majoritaire, est devenue une utopie mortelle dans un monde de plus en plus ouvert à la compétition économique.
Les producteurs alternatifs, ceux qui pratiquent le plein air, les races locales à croissance lente et même ceux qui se sont lancé dans l’élevage sous label bio, ont été systématiquement marginalisés et nullement soutenus mis à part quelques initiatives locales ou régionales. Pourtant une part de plus en plus importante du marché potentiel et de la valeur ajoutée qui va avec se trouve très certainement dans ces démarches.
Il est maintenant trop tard pour réagir dans l’urgence , ne serait-ce que pour sauver les meubles
Le renouveau de l’activité porcine en France, qui viendra un jour, se fera autour de deux axes :
- Celui de la compétitivité-prix (coût) avec quelques grandes exploitations naisseurs et naisseurs engraisseurs, très capitalisées, très techniques, pouvant assumer l’ensemble des savoir-faire nécessaires, y compris celui du retraitement des effluents. Ces exploitations seront à même de fournir en porcs standards les méga-abattoirs de l’ouest du pays, qui seront sans aucun doute aussi amenés à baisser leur voilure.
- Celui de la haute qualité gustative et environnementale (HQGE), élevages d’animaux à croissance lente en plein air extensif, nécessairement redéployés géographiquement sur l’ensemble du pays (ce n’est pas l’espace qui manque !), avec une maîtrise locale de la filière, de la fabrication de l’aliment jusqu’aux produits finis en portions consommateurs, autant pour garantir la traçabilité que pour permettre une juste répartition de la valeur ajoutée. Ces filières régionales pourraient donner un second souffle aux industriels locaux de la charcuterie et de la salaison, assoir des AOP et IGP crédibles et représenter à terme une vraie valeur à l’exportation.
Faute d’anticipation, une telle mutation ne se fera pas dans la joie et la bonne humeur.
Si l’on place le curseur, pour un élevage industriel, sur une moyenne (basse) de 800 truies par exploitation, cela conduit à la disparition des neuf-dixièmes des élevages existants, un certain nombre pouvant cependant continuer avec une seule fonction d’engraissement, si possible en complément d’autres activités, comme cela se voit en Espagne, où il n’est pas rare de rencontrer des ateliers naisseurs ultra-moderne de 2 000 à 3 000 truies. Les autres devront se reconvertir, ce qui est plus simple à dire qu’à faire vu l’endettement de bon nombre d’éleveurs et leur spécialisation professionnelle.
Toute mutation de cette importance demande de solides moyens. S’il parait possible, et même souhaitable, de laisser le financement privé investir dans les nouvelles formes d’activités, autant industrielles que HQGE, la collectivité publique devra nécessairement prendre en charge, en majeure partie et selon des procédures à imaginer, le coût de l’abandon et de la reconversion des éleveurs concernés. Cela représentera une charge très importante mais préférable à la distribution en saupoudrage d’aides à la survie qui ne feront que reporter les réelles décisions à plus tard et enfoncer encore la compétitivité de « la ferme française » dans ce secteur.
Pour cela, il faut du courage, de l’imagination et de l’initiative politique, et pas seulement au niveau du gouvernement.
Sur le même sujet, vous pouvez lire ou relire les articles figurant sous l'onglet ci contre "filière porcine conventionnelle (industrielle)"
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