vendredi 21 août 2015

Pourquoi le cours du porc n’a aucune chance de se maintenir à 1,40 €.


Le maintien du cours du porc à 1,4 € au marché du porc breton (MPB) de Plérin est devenu ces derniers jours une sorte de totem auquel se raccrochent les différents acteurs de la crise porcine de cet été.

Or il y a toute probabilité que ce cours baisse rapidement, et de façon durable.

En outre, ce cours est surtout un indicateur qui permet de fixer au niveau national le prix d’une majorité de transactions concernant le porc frais. Il n’est pas contraignant et des transactions hors cours du MPB sont assez fréquentes. Il cache surtout d’importantes disparités entre les élevages.

La disparité de rentabilité des élevages

Le cours de la carcasse au Marché du Porc Breton (MPB) correspond par convention à une carcasse de porc d’un poids compris entre 80 et 85 kg et d’un TMP 56.

Le TMP est un indice calculé pour chaque carcasse à l’abattoir et correspondant, pour faire simple, au taux de gras par rapport aux muscles. Plus le TMP est élevé, moins la carcasse est grasse, résultat souhaité.

Les lots présentés n’étant que très rarement homogènes, un système de classement attribue primes ou pénalités à chaque carcasse. Ainsi, une carcasse d’un poids compris entre 85 et 97 kg se verra attribuer une prime de 2 ct/kg et surtout une prime de 17 ct/kg si son TMP est compris entre 61 et 63, soit au total un prix de vente de 1,59 € pour un cours de 1,40 €.

A l’inverse, une carcasse de 74 kg avec un TMP de 51 (très grasse) sera payée à l’éleveur 1,05€/kg.

Les éleveurs cherchent donc tous à présenter des animaux s’approchant le plus des standards primés, carcasse d’environ 90 kg de TMP 62.

C’est la raison pour laquelle le prix réel payé à l’éleveur est en moyenne de plus de 10 ct d’euro supérieur au cours du cadran, avec cependant de fortes disparités selon la technicité des éleveurs.

Cela ne signifie pas pour autant que les éleveurs disposent ainsi de sur-revenus mais cela explique en partie les écarts de rentabilité et le fait que certains s’en sortent et d’autres non.

La variation saisonnière des cours

Les mois d’été sont régulièrement les mois où les cours sont au plus haut (voir graphique ci-dessous), liés à une demande soutenue de produits à griller.

Même si les cours de cette année sont restés bien en deçà des années précédentes, il est certains qu’ils reprendront une pente descendante dans les prochaines semaines.





Un marché mondial saturé.

La fermeture brutale du marché russe au début 2014, sous des prétextes sanitaires au départ mais qui se sont avérés rapidement pour des raisons politiques a déstabilisé le marché européen, la Russie étant alors la principale destination d’exportation des porcs allemands, espagnols et, à un niveau moindre danois et français.

Assez rapidement les allemands, danois et espagnols se sont ouvert de nouveaux débouchés en Extrême Orient, au Japon, en Corée, aux Philippines, en Chine, etc… Ils ont en effet profité des graves difficultés rencontrées par les USA et, à niveau moindre, par le Canada, dont les élevages ont été atteints en 2013 et 2014 par une épidémie de diarrhée qui a éliminé des millions de porcelets, conduit à une baisse importante de production et à une envolée des cours (jusqu’à 2,3 US dollar !) qui les ont conduit à être absent de leurs marchés habituels d’Extrême Orient.

Cette épidémie est maintenant en partie jugulée et les éleveurs américains vont chercher à reprendre leurs parts de marché, avec un porc traditionnellement plus compétitif que le porc européen. Ajoutée à une probable contraction du marché chinois, le plus important de la planète, et aux incertitudes du marché russe (où la production locale progresse avec l’aide d’industriels allemands), cela va conduire les exportateurs européens à se replier sur leur marché intérieur.

Ne parlons même pas du projet de traité commercial Europe-USA dont on ne sait pas exactement ce qui s’y négocie….

Selon une étude réalisée en avril par la banque néerlandaise Rabobank (l’équivalent local du Crédit Agricole), et citée par la revue « Réussir Porc » du mois de mai, prix du porc vont baisser dans le monde. Rabobank avait prévu, en avril, la limitation de la hausse saisonnière constatée cet été.

On ne voit dans tout cela apparaitre aucune raison de se réjouir et il semble difficile pour les responsables français de miser sur le maintien durable d’un cours intérieur français ou européen complétement déconnecté des cours mondiaux.

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