Les consommateurs leaders, du moins ceux qui orientent le
marché et finissent par entrainer les autres, souhaitent de la typicité, du
goût, de la diversité, du naturel, du local, etc… en fait toutes choses que la
filière d’élevage a mis beaucoup d’obstination depuis plusieurs décennies à
réduire à une production de masse non différenciée et localisée surtout en
Bretagne en s’étonnant ensuite que seul le prix de vente le plus bas
intéressait leurs acheteurs, abattoirs, transformateurs et distributeurs.
Comme le soulignait à juste titre le président de la
République lors de ce fameux discours de Rungis : « Est-ce que vous pensez que nous pouvons nous contenter d’avoir
0,5% de porcs « bio » en France, 3% de Label Rouge, alors que nous ne
parvenons pas à satisfaire la demande des consommateurs ».
Dans ce « plan de filière », il est fait état de
la possibilité de diversifier les systèmes d’élevage mais pour indiquer juste
après que le maintien d’une filière porcine française dépendra directement de
son niveau de compétitivité (page 5).
Quelle compétitivité ? La compétitivité coût, bien sûr !
Celle sur laquelle la filière d’élevage conventionnelle (industrielle) est en
difficulté, pour des raisons valables (dumping social par exemple) et d’autres
moins (obsolescence des installations et
sclérose des organisations, autres exemples). La compétitivité hors coût ?
Il faudrait, selon Guillaume Roué, président d’INAPORC, prouver avant qu’il y
ait un marché solvable ! Pourtant nous sommes, parait-il, dans une économie
de l’offre…. et l'offre crée la demande, si l'on en croit la loi des débouchés du bon vieux Jean Baptiste Say. Encore faudrait-il qu'il y ait une offre!
Que la filière d’élevage et les organisations qui la
représentent soient très concernées par l’avenir des éleveurs qui les mandatent
et qui sont enfermés dans un système rigide et de plus en plus inadapté face à
une concurrence internationale de plus en plus vive et une demande nationale de
plus en plus qualitative, cela peut se comprendre. Les solutions qu’ils
apportent sont celles de ce que l’on pourrait appeler adaptées à une filière « push »,
filière de recherche de débouchés pour une production donnée, que pratique par
exemple avec un certain succès et quelques contradictions la Cooperl Arc-Atlantique.
Mais l’on peut aussi considérer et mettre des moyens pour
construire une filière « pull », celle qui part des demandes
actuelles et potentielles du marché, décrites sommairement plus haut et qui cherchent à y adapter la filière. Cela
nécessite que les intermédiaires du bas de la filière, ceux qui sont en contact
directs avec les consommateurs, distributeurs et transformateurs, qui font du
marketing et qui de plus en plus souvent vont chercher ailleurs de quoi les
satisfaire, en Espagne et en Italie en particulier, acceptent d’investir en
amont. Ils ont déjà commencé, de façon pour l’instant encore timide, en
ménageant les éleveurs existants: sans OGM, sans antibiotique, avec des Oméga 3, etc... ce qui n''implique pas fondamentalement la remise en cause des techniques d'élevage intensives hors-sol. Mais cela signifie aussi un changement de cap des
pouvoirs publics et des organismes d’accompagnement : IFIP, INRA, etc…
Un redéploiement territorial de l’élevage, une
diversification autant des races d’animaux que des pratiques, la construction d’une
offre de haute qualité gustative et environnementale, ne se fera pas sans un
investissement important de tous les opérateurs de la filière, sur des bases
locales et verticales, qui se croiseront nécessairement quelque part avec la
filière existante, en partant du marché et non uniquement des préoccupations
des structures de production en place.
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