dimanche 26 avril 2020

Relocaliser l’élevage porcin dans toutes les régions de France




L’épidémie COVID19 a mis en évidence la nécessité (et le souhait) de relocaliser une grande partie de la chaine alimentaire : autant que faire se peut, se fournir au plus près de chez soi, au travers de filières courtes, tant pour des questions de sécurité d’approvisionnement qu’environnementales : diminution des transports, réduction des moyens de conditionnement et de conservation, etc…
Une autre tendance, un peu plus ancienne, consiste à privilégier des produits régionaux, typés, sains, respectueux du bien-être animal pour les produits d’origine animale, etc…

En ce qui concerne la filière porcine, force est de constater que cette relocalisation est nécessaire, y compris au niveau intra-national pour ces produits de grande consommation :
Les quatre cartes suivantes soulignent un très grand déséquilibre entre l’ouest de la France, qui abrite plus de 75 % de la production porcine, la quasi-totalité des grands abattoirs, et 54% des activités de transformation, et le reste du pays
Il n’en a cependant pas toujours été comme cela :
La carte si dessous, issue d’un ouvrage de A. Leroy, « Le Porc », paru chez Hachette en 1937, montre une activité d’élevage porcin assez harmonieusement répartie sur tout le territoire.




C’est à partir des années 1960 que la Bretagne, surtout, a massivement investi dans des élevages intensifs hors-sol, alimentés par des mais et sojas américains débarqués massivement dans ses ports, et concurrencé de ce fait les élevages porcins de l’intérieur du pays avec comme résultat une très forte concentration régionale sur l’ouest et la constitution d’un désert porcin partout ailleurs, comme l’indiquent ces troiscartes (sources: IFIP, le porc par les chiffres 2019):










Les activités charcutières et salaisonnières, souvent très liées à l’image d’un terroir ou d’une région (Jambon d’Auvergne ou de Savoie, Rosette de Lyon, Andouillette de Troyes, charcuteries d’Alsace,, etc…) n’ont eu le choix qu’entre deux mauvaises solutions : soit délocaliser la transformation en Bretagne, généralement pour fabriquer des produits très génériques comme le jambon cuit, le pâté « de campagne » ou les saucisses « knack », tel par exemple Olida qui a quitté le département de la Loire pour Loudéac dans les années 80, soit élaborer les spécialités locales avec des viandes bretonnes, espagnoles ou allemandes, ce qui obère souvent toute possibilité de promouvoir de façon crédible un signe de qualité lié à l'appartenance à un terroir.

Le résultat, là encore, fut la diminution progressive d’activités charcutières et salaisonnières prestigieuses, la perte d’image et de parts de marché au bénéfice de concurrents espagnols et italiens, sur le marché français mais aussi, et surtout, international.

La relance de filières locales élevage-abattage-découpe-transformation-consommation, source de dynamisme et d’emploi local, ne peut être envisagée sans une action énergique des pouvoirs publics nationaux, mais surtout locaux : régions, départements, communautés de communes.
Il s’agit, de plus de promouvoir des méthodes d’élevage ayant recours à d’autres techniques que celles du hors sol intensif en bâtiment, quasi exclusivement utilisées dans les élevages français.
Ces techniques permettent certes de produire de la viande à bas prix, mais souffrent d’une image de plus en plus dégradée et d’une acceptabilité sociétale de plus en plus compromise : l’annonce de l’installation d’une porcherie industrielle soulève toujours une levée de bouclier et entraine d’interminables recours que peu de maires ou de préfets souhaitent affronter.

Il est donc nécessaire d’expérimenter et de promouvoir un autre modèle technique et économique, basé sur l’élevage de plein air extensif, éventuellement lié à des techniques d'agroforesterie, tel qu’il est pratiqué par un certain nombre d’éleveurs qui pour la plupart transforment et commercialisent en vente directe, à la ferme, sur les marchés ou en magasins de producteurs.




Pour l’instant, ce modèle ne permet pas d’alimenter de façon régulière les filières avales, bouchers, charcutiers-salaisonniers artisanaux ou industriels et distributeurs, qui constituent le gros des canaux de distribution et, à travers eux, des marchés, surtout en milieu urbain où se trouvent l’essentiel des consommateurs.
Ces producteurs sont trop peu nombreux, trop divers dans leurs pratiques, trop dispersés géographiquement et pas du tout organisés pour répondre efficacement à cette demande, même de proximité.
Leur pratique de vente directe ne conduit en outre pas à construire les nécessaires solidarités de filières locales ou régionales.

Par exemple, la région Auvergne Rhône Alpes rassemble 7,8 millions d’habitants. Avec une consommation moyenne de 33 kg de viande de porc par an (certes, avec os !) et par habitant, ceux-ci absorbent chaque année 257 000 tonnes pour une production locale de 85 000 tonnes, soit un déficit structurel de 172 000 tonnes, soit encore 2 millions de porcs charcutiers….
De plus, la région abrite aussi des activités de transformation qui « exportent » sur toute la France, et même ailleurs, comme Jambon d’Aoste ou Justin Bridoux, pour ne citer que les plus connues nationalement, ce qui augmente le besoin régional, difficile cependant à évaluer au niveau quantitatif.

Pour répondre, ne serait-ce que partiellement, à cette demande il est possible de promouvoir l’élevage de plein air en liberté, installé dans les très vastes espaces en déprise agricole et humaine, friches, landes, forêts, etc… que l’on rencontre un peu partout en France, et surtout sur cette fameuse « diagonale du vide » qui s’étend des Ardennes aux Pyrénées.




L’installation de ce type d’élevages entretien les sols et les paysages, crée des emplois directs et indirects et peuvent aussi apporter des activités de compléments à des exploitations existantes d’élevage ou de culture.

Ces élevages auront en outre besoin d'aliments: orge, blé mais, pois féverole, luzerne, etc... qui doivent être de production locale ou régionale.


Les collectivités locales, souvent propriétaires de bois et forêts qu’elles peinent à entretenir pourraient ainsi permettre l’installation de nouveaux éleveurs pour un investissement assez réduit (clôtures, abris, nourrisseurs, abreuvoir et petit véhicule de transport, plus un fonds de roulement), pouvant en outre apporter des activités en aval d’abattage et de transformation. Bref, reconstruire des filières économiques équilibrées et non pas continuellement bousculées par les errements de marchés internationaux des carcasses ou des aliments.


Pour plus de détail, on peut se rapporter au site de DIV’PORCS AURA :
https://asso-diversiteporcinerhonealpes.blogspot.com/



jeudi 30 janvier 2020

Peste porcine africaine: quelle stratégie pour la filière française ?


Au début de l’année dernière (2019) je titrais un article de blog : « L’élevage porcin français, sombres perspectives ! »

Puis en avril : « Vive la peste porcine africaine… en Chine ! »

Entre ces deux articles, puis par la suite, je n’ai plus rien écrit, restant dans l’expectative face à une filière porcine fortement globalisée et mondialisée, en très grande incertitude sur son avenir.
En effet, les cours du porc au marché au cadran de Plérin, qui fixait des cours en dessous du seuil de rentabilité de nombreux élevages français depuis plusieurs années, n’ont depuis cessé d’augmenter, partant de 1,20 € le kg/carcasse TMP 56 en début d’année pour culminer à 1,70 € le 12 décembre 2019 avant de se tasser légèrement depuis.

Le cours moyen sur l’année 2019 a été de 1,49 €, en progression de 25% sur le cours moyen 2018.

Pourquoi cette flambée des cours ?

Une impressionnante épidémie de peste porcine dite africaine se répand en Chine, pays qui représente à lui seul environ 50% de la production et de la consommation mondiale, épidémie qui s’est répandue plus largement en Asie et, plus marginalement, en Europe de l’Est.

Cela a conduit à une baisse importante de la production chinoise, de l’ordre de 20% (dix millions de tonnes, soit la moitié de la production européenne) et à l’afflux d’une demande d’importation de la part de la Chine et des pays asiatiques, déjà importateurs importants avant cette crise, assurant un débouché régulier aux filières porcines européennes et américaines.

L’élevage européen, qui faisait face à une surproduction et à une baisse des cours depuis plusieurs années, était en train de baisser la voilure d’une production de moins en moins rentable, traversée par de nombreuses incertitudes sur l’avenir : développement accéléré de l’élevage russe, concurrence accrue des américains, canadiens et brésiliens, grande sensibilité aux divers aléas politiques., etc…

 Cette peste porcine en Chine est donc une aubaine !

Tout cela est certes très satisfaisant, mais est-ce que cela va durer ?

Le marché du porc standard sera toujours très mondialisé, influant sur des cours qui seront encore déconnectés des coûts de production, comme ceux du pétrole ou de l’acier. Avec pour corolaire une compétition-prix féroce qui se fera au bénéfice de ceux qui auront les coûts de production les plus faibles : tous les producteurs du monde ne jouent pas en effet dans la même catégorie, d’un continent à l’autre, d’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, d’un élevage à l’autre… Les conditions sociales, environnementales, structurelles ne sont pas identiques.

Par exemple les grands élevages du nord Midwest américain qui, au milieu d’immenses  surfaces de céréales, placent des ateliers naisseurs de 3 000 truies et des ateliers d’engraissement de 80 ou 90 000 porcs par an en se fichant des nuisances environnementales (ils n’ont pas de voisins), livrés à l’abattoir par semi-remorque à rallonge, offriront des carcasses pour l’export à des prix très inférieurs à l’offre européenne et plus particulièrement française, qui n’est pas en Europe la plus compétitive.

Les chinois, ou plus largement les asiatiques, ne sont pas en outre des perdreaux de l’année et savent très (très) bien négocier ;
Après une période de quasi panique, qui se termine, se dessine une période de consolidation stratégique 
-  Accord avec les USA pour importer des carcasses de porcs (dans le cadre des « accords » de rééquilibrage de la balance commerciale Chine USA.)            
- Discussion avec le Brésil, la Russie et l’Ukraine, potentiels futurs fournisseurs.
Et surtout, pour le long terme et comme toujours en Chine : compter sur ses propres forces.

L’épidémie de FPA en Chine s’est surtout répandue dans les élevages traditionnels, familiaux et artisanaux. Ceux-là sont condamnés. Les élevages industriels, qui sont installés dans des building péri-urbains ultra sécurisés sur le plan sanitaire, qui ressemblent à des HLM des années 70 et sont propriétés de très grandes sociétés intégrées, feraient frémir tout consommateur français, même les moins attentifs au bien-être animal. C’est pourtant eux qui vont répondre aux besoins importants en viande de porc de la Chine dans les prochaines années. Rappelons que le consommateur chinois consomme le porc sous forme de préparations généralement hachées (bouchées, nem,) ou tranchées finement en sauce. Le principal concurrent sur ce créneau risque du reste d’être assez rapidement le porc artificiel, à base de soja structuré et aromatisé.

Quelle peut donc être une stratégie à moyen-long terme pour le porc français dans ces conditions ?

D’après les dirigeants porcins bretons, il faut profiter du retour à la rentabilité constatée en 2019 pour apurer les dettes mais surtout réinvestir dans les élevages conventionnels (entendre hors sol bâtiment) pour les remettre à niveau de compétitivité (coûts ?) surtout pour l’export.(Réussir Porc de janvier 2020)

L’élevage porcin français présente cependant deux caractéristiques : l’obsolescence des infrastructures, imputable à un manque d’investissement ces dernières années, mais aussi un fort taux d’endettement des exploitations du fait de la faiblesse en fonds propre des exploitants.

Il s’agit de plus en plus d’une activité lourde, très consommatrice d’investissements et de fonds de roulement, la plupart du temps financés par emprunt, sur des exploitations familiales de taille modeste, majoritairement sur le mode naisseur engraisseur.

La compétitivité prix des élevages français conventionnels dans ces conditions parait difficile à atteindre dans les années qui viennent, même sur le marché européen.

Ces mêmes dirigeants bretons restent très prudents, si ce n’est sceptiques, sur la « montée en gamme » qui ne doit « surtout pas impliquer de nouvelles charges de structure ».

Autrement dit « monter en gamme », peut-être, mais sans changer les fondamentaux de l’élevage porcin, le hors sol-bâtiment, la vente à 168 jours, la quête du TMP maximum.

Le résultat de cette position est que 95% des porcs français, au minimum, sont élevés de cette façon à partir de souches sélectionnées essentiellement sur des critères de productivité. Les porcs dit « de montée en gamme », les porcs « label rouge », « bio » et même ceux dits de « plein air », qui ne passent en général que les deux derniers mois de leur courte existence (6 mois) sur des parcours extérieurs ne représente qu’environ 5% de cette production et presque aucune valeur à l’export.

Le reste de la production, qui passe sous les radars des statistiques, recouvre des pratiques très diverses, l’autoconsommation, la vente directe de produits divers très peu contrôlés, de porcs conventionnels à des porcs élevés en plein air en liberté sur des races locales pures ou croisées, gascons, basques, nustrales, blancs de l’ouest, etc…

Cette politique, soutenue autant par les responsables de la filière que par les organisations professionnelles agricoles et les pouvoirs publics limite fortement les diverses possibilités de « montée en gamme » et explique aussi pourquoi, surtout dans le domaine de la salaison, le champ libre est laissé aux italiens et aux espagnols.

La demande finale, celle des consommateurs, évolue et se satisfera de moins en moins de simples annonces marketing.
Même si cette demande peut paraitre parfois contradictoire, elle présente des traits dominants :
-          Production locale
-          Filière courte
-          Procédés de transformation naturels
-          Bien-être animal
-          Etc…

Qu’est-ce qu’un porc haut de gamme ?

Selon Jean-Pierre Poma, directeur du CRITT d’Auch et spécialiste reconnu du jambon sec et de la salaison, plus que la race, les deux éléments essentiels pour la qualité d’une viande de porc sont l’exercice physique et l’âge d’abattage.

Exercice physique dès le post sevrage pour assurer un bon développement musculaire : le plein air intégral et une faible charge à l’hectare s’impose.

Age d'abattage de neuf mois minimum, mais plutôt supérieur à 12 mois, et plus selon les races des animaux concernés, pour obtenir des viandes « faites », à partir d’animaux adultes.

L’alimentation de finition et la race sont deux facteurs complémentaires.

On obtient alors des carcasses lourdes, une viande rouge, persillée, goûteuse et apte, pour les jambons et épaules, à subir un temps de séchage long, de 24 mois et plus.

L’offre pour ce type de produit, en France, est quasiment inexistante et surtout très localisée : porcs Gascons, Basques, Nustrale, Noir du Limousin, Blanc de l’Ouest et de Bayeux, surement moins de 10 000 truies en tout, sur environ 1 millions de truies dans les élevages français.

Les bouchers qui auraient la clientèle pour ce type de produit rencontrent de grandes difficultés pour s’en procurer de façon régulière, ce qui contribue aussi à maintenir un prix élevé. Ceci est principalement imputable à l’absence de filière locale organisée.

Les charcutiers et salaisonniers en sont réduits à élaborer des spécialités locales, jambon de Savoie ou rosette de Lyon par exemple, à partir de porcs bretons, espagnols ou allemands.

L’élevage de porcs de plein air en liberté est pourtant particulièrement adapté aux exploitations familiales polyculture-élevage sur tous les terroirs français, et surtout ceux qui se trouvent en déprise agricole et humaine et ou l’espace est disponible, et ne nécessitent pas de lourds investissements.

Une stratégie cohérente consisterait certes à remettre au niveau de compétitivité-prix le porc conventionnel , en le fléchant déjà sur le marché français (label "le porc français" en pariant surtout sur la loyauté à l'élevage national du consommateur hexagonal), mais aussi à favoriser la création et l’organisation partout en France d’élevages locaux sur des cahiers des charges plus qualitatifs, typés et régionalisés pour alimenter les bouchers et transformateurs locaux et in fine, le consommateur avec des produits correspondants à ses attentes.

Reconquérir, dans un premier temps, le marché hexagonal par la qualité, et repartir peut-être à l’export ensuite sur ce même schéma.

lundi 15 avril 2019

Vive la peste porcine africaine... en Chine

Avec un peu de cynisme, on peut avancer que les bruits récurrents d’épidémie de peste porcine africaine en Chine ne peuvent qu’ouvrir des perspectives intéressantes aux éleveurs français, qui subissent un effondrement des cours depuis la fin 2017.
A condition toutefois que cette épidémie qu’elle n’atteigne pas non plus notre pays.
La Chine est le premier pays producteur et consommateur de viande de porc au monde, avec environ 50% de l’activité porcine à elle seule.
Malgré d’importants efforts de développement de sa propre production, la Chine est encore souvent importatrice nette de quantités importantes depuis les élevages européens, principalement allemands, danois et espagnols, et plus modestement français, mais aussi américains (USA, Canada, Brésil). Du niveau de ses importations dépendent souvent le niveau des cours occidentaux, sur un fonds de surproduction et de baisse de consommation, qui a conduit les éleveurs de ces pays à réduire leur offre.
Aussi le développement de cette épidémie va sans doute conduire à l’augmentation notable des cours européens et mondiaux et, avec le retour à la rentabilité, relancer pour quelques temps la production porcine occidentale.
A condition toutefois que cette peste porcine africaine soit aussi jugulée dans nos pays : plusieurs cas inquiétants ont été signalé en Belgique, à la frontière française.
A suivre avec attention….

dimanche 13 janvier 2019

L’élevage porcin français : sombres perspectives !




 L’élevage porcin français, après une courte embellie entre 2016 et 2017, a renoué en 2018 avec une situation de crise, probablement plus grave que celle de 2015.

Les cours de base du kg/carcasse TMP 56 au Marché au Cadran de Plérin, qui fixe le prix de la plupart des transactions entre opérateurs en France, sont restés désespérément bas.  Moyenne sur l’année : 1,196 € le kilo-carcasse, soit le plus bas constaté depuis 2010 et en retrait de près de 14% sur l’année précédente (2017).

De plus, ces cotations sont sensiblement en retrait avec celles constatées chez nos principaux compétiteurs européens, danois, allemands et espagnols, du moins pendant les mois d’été, les plus favorables.
En prenant en compte les primes de classement, les éleveurs ont perçu environ 1,35 € le kilo-carcasse alors que le prix de revient dépasse souvent  les 1,45 €. Encore s’agit-il de moyennes, cachant de grandes disparités entre élevages.

La diminution du nombre d’élevages va donc continuer et l’installation de jeunes éleveurs, ou la reprise d’élevages suite à des départs à la retraite, s’avèrent de plus en plus difficiles au vu de l'absence de rentabilité du secteur..

La seule explication rationnelle à cette situation, outre une surproduction structurelle européenne récurrente,  est l’inadaptation grandissante de l’offre française face à une demande duale, à la fois très basique et compétitive en prix pour les produits destinés à la transformation industrielle et l’export et de plus en plus qualitative pour la viande fraîche et les produits élaborés destinés au marché intérieur français.

La demande globale, au niveau européen, sur fonds de diminution tendancielle de la consommation domestique, est très tributaire des marchés à l’exportation, essentiellement vers l’Asie, et plus particulièrement vers la Chine, ce  qui avait permis la reprise d’un marché très déprimé en 2016 et sorti temporairement l’élevage européen de la crise où il était alors plongé.

Or la Chine, premier producteur et consommateur mondial (environ la moitié de l’activité porcine), a fortement investi dans l’élevage porcin ces dernières années dans le but non pas d’atteindre la complète autosuffisance (elle manque notablement de terres arables pour produire l’aliment), mais de  limiter sa dépendance.

Heureusement pour les producteurs excédentaires (UE 28, USA , Canada et Brésil essentiellement), une épidémie sévère de peste porcine s’est déclarée en Chine en 2018 obligeant à des abattages massifs, et redonnant espoir aux éleveurs européens, avec des perspectives d'exportation et de remonté des cours.

Ce n’est pourtant pas gagné d’avance pour les éleveurs français.

D’une part, de nouveaux compétiteurs sont apparus, qui envisagent tous de fournir la Chine : Ukraine, Pologne, Russie, etc… qui ont construit ces dernières années des filières de plus en plus compétitives, souvent avec l’aide efficace d’opérateurs européens et américains. Il est vrai qu'eux aussi rencontrent des débuts d'épidémies de peste porcine, ce qui atteint directement leur capacité exportatrice.

D’autre part, l’issue des discussions commerciales en cours entre Chine et USA  est très incertaine, ce dernier pays étant de longue date le plus dynamique concurrent du porc européen sur les marchés asiatiques : pour l’instant, le marché chinois semble fermé au porc américain mais cela pourrait faire partie de la négociation en cours, surtout si la peste porcine gagne l'ouest de l'Europe et que les éleveurs américains restent les seuls exempts de cette épidémie.

Enfin l’élevage français, même en absence d'épidémie de PPA, n’est surement pas le plus compétitif ni le plus organisé des élevages européens pour approvisionner le marché asiatique. Les éleveurs et abatteurs allemands, espagnols, et danois sont bien mieux organisés et implantés, et peut être même maintenant suivi par les polonais.

Tout cela ne parait pas de très bon augure et de toute façon très imprévisible!

Les responsables de la profession paraissent depuis un ou deux ans de plus en plus convaincus de  la nécessité d’une amélioration qualitative de l’offre, déja pour fournir la marché intérieur, qui sera l'ultime recours en cas de fermeture des marchés exports. Ils buttent cependant sur plusieurs obstacles :

-          La rigidité de l’appareil d’élevage actuel, archi-dominé par le modèle hors-sol  intensif-bâtiment, pour lequel beaucoup d’éleveurs sont encore lourdement endettés, et au travers duquel  sont élevés plus de 97% des porcs en France, filières « de qualité », Label Rouge et « Bio » compris. Seules, une partie de la production « Bio » et certains Label Rouge Fermier pratiquent l’élevage en plein air, plus ou moins extensif.

-          Sous cette contrainte, on peut certes diminuer la densité de porcs au m2, par exemple, au nom du bien-être animal, faire passer l’espace alloué aux truies de 1,2 m2 à 2,5 m2, leur donner accès à une « courette » plus ou moins à l’air libre, de la paille ou de la sciure comme litière, améliorer l’ordinaire en substituant au maïs d’autres types de céréales, donner des jouets aux porcelets,  etc… il faut toutes les ressources des communicants pour faire coller tout cela avec les demandes nouvelles des consommateurs les plus avertis, ceux qui accepteront de payer plus cher leur viande, quitte à en consommer moins, à condition qu'elle soit issue d'élevages locaux, de plein air, produisant en filière courte une viande typée et goûteuse. En fait une partie non négligeable des consommateurs de demain !

-          L’ensemble  des organismes de décision de la filière porcine, qui pourraient être moteurs dans un changement de paradigme, sont aux mains des éleveurs conventionnels, qui plus est essentiellement Bretons, ou de l’ouest, où se trouve le principal complexe agro-industriel-porcin de l’Hexagone et cela ne facilite pas le redéploiement de l’élevage porcin sur d’autres bases, dans d’autres régions qui ont pourtant été de grandes régions charcutières et salaisonnières et qui pourraient le redevenir.

C’est la raison pour laquelle cette « montée en gamme » n’avance guère et reste surtout cosmétique.

Quant aux bienfaits des mesures issues des Etats Généraux de l’Agriculture, ils se font attendre….

Les distributeurs et transformateurs  ne trouvent pour l’instant que des produits d’importation pour satisfaire ce type de clientèle solvable en produits transformés et presque aucun fournisseur pour la viande fraîche.

C’est à eux, et aux responsables régionaux de l’agriculture, de l’élevage et de l’aménagement du territoire, de se prendre en main et de provoquer la création de nouvelles filières qualitatives, locales, courtes, responsables sur le plan environnementale et porteuses de création d’emplois non délocalisables.

A défaut de réaction de ce type, la filière porcine française ne pourra que continuer à décliner.

Bonne année quand même !


lundi 1 octobre 2018

Le porc de plein air, élevé en liberté : un porc d’avenir !



Existe-t-il réellement un porc de haut de gamme en France ?

Réponse : oui, mais hélas encore de façon beaucoup trop marginale :
Le porc gascon, le porc corse ou le porc basque, constituent des vitrines prestigieuses mais à usage presque uniquement local !

Un peu partout en France des éleveurs se sont lancés dans des élevages que nous appellerons « non conventionnels », à la recherche d’une qualité locale ou régionale  à retrouver : élevage de plein air, en liberté, de races locales à croissance lente, souvent éteintes, d’âge d’abattage tardif, parfois sous label « bio », etc…

Toutes confondues, ces productions passent sous les radars des statistiques de l’IFIP (Institut technique du porc) et ne doivent pas représenter, sans doute de façon optimiste, plus de 0,5% de la production française, avec une très faible croissance.

La plupart des éleveurs  de cette catégorie sont souvent des naisseurs-engraisseurs de  très petite taille, avec un cheptel de 2 à 20 truies,  produisant entre 40 et 200 porcs /an et ne trouvent leur équilibre économique qu’en réalisant eux mêmes  la totalité du cycle de production : naisseurs, engraisseurs, transformateurs pratiquant la vente directe, à la ferme ou sur les marché de proximité.

Du fait de cette dispersion d’activités très chronophages, difficile à maîtriser techniquement en totalité, les performances en activité de naisseurs sont très souvent insuffisantes : qu’une truie mette bas 8 porcelets par an ou 20, elle consommera de toute façon 1,5 tonne d’aliment. Le  résultat économique s’en ressent.

De nombreux éleveurs « non conventionnels » souhaiteraient  se débarrasser de cette activité pour assurer seulement l’engraissement avant la transformation mais ils ne trouvent pas de porcelets à acheter, de race locale et a fortiori en « bio ». L’activité de naisseur n’est en effet pas assez rémunératrice  et les naisseurs, même performants, gardent leurs porcelets pour eux  et ne vendent que des surplus quand il y en a.

Cette organisation chaotique  explique la diversité des pratiques et le déficit d’image collective.

Un marché potentiel inexploité. Déficit d'offres structurées.

Côté débouchés, pas de problème ! La plupart des producteurs de porcs « non conventionnels » et de charcuteries issues de ces animaux,  n’arrivent pas à satisfaire toute  leur clientèle, tout en pratiquant des prix élevés !

Si l’on vise un premier objectif de 1% du marché, cela représente environ 22 000 tonnes, soit 220 000 porcs à produire par an. On en est très loin !

En outre, le gros du marché pour ce type de produit se trouve surtout dans les villes ou dans des lieux touristiques, là où le pouvoir d’achat est élevé. Or les distributeurs qui alimentent ces marchés, généralistes comme spécialisés, et les transformateurs, charcutiers et salaisonniers, n’ont pas accès à ce type d’animaux, pour plusieurs raisons :
-          L’inorganisation de l’offre, l’absence d’organisation collective et de masse critique, pour les raisons que nous avons abordées ci-dessus, qui interdit une offre régulière semaine après semaine, indispensable pour installer un marché dans des circuits de transformation distribution plus long.
-          La sous-évaluation de la valeur réelle des carcasses et de la viande de ce type d’animaux, ce qui décourage les éleveurs à vendre en carcasse.

La qualité, ça  se paye !

Habitués à acheter des carcasses à 2€ le kg, parfois 2,5€ quand il s’agit d’un porc label rouge, les transformateurs et intermédiaires  lèvent les bras au ciel lorsque un prix de vente au kg/carcasse est annoncé de 5€ pour du non bio et de 7€ pour du bio !

C’est pourtant à ce prix- là qu’une filière de porcs premium pourra s’installer de façon durable et il y a fort à parier que le consommateur averti acceptera de payer le prix si la qualité se voit dans l’assiette.

Qu’est-ce qu’un porc « premium » ?

-          Un porc de race locale à croissance lente et apte au plein air.
      Un parcours minimum de 250 m2 par animal, soit 40 porcs/hectare.
-          Un âge d’abattage à 10 mois minimum.
-          Une nourriture équilibrée avec très peu ou pas de maïs, surtout de l’orge, du blé, pois, féverole, topinambours, etc… et les ressources du parcours selon saison.

La viande produite est alors rouge, persillée, le gras dur savoureux et n’a plus  rien à voir avec du porc de batterie, fut-il Label Rouge ou même bio basique.

Construire des filières locales

Pour obtenir ce type d’animaux de façon régulière, il faut impérativement reconstruire des filières locales, surtout dans les endroits où il existe une tradition charcutière et salaisonnière…. Et où il n’y a plus de d’élevages de façon significative. En gros, tout le grand sud-est du pays, au sud d’une ligne allant de l’Alsace au Pays Basque, et même ailleurs !

Il faut dans chaque endroit définir un objectif qualitatif des animaux, morphologie, aptitudes techniques, etc… et créer des pépinières de sélection et production de reproducteurs.

La production de porcelets, le naissage, doit être confiée  à des spécialistes, en les rémunérant correctement par un prix de porcelet adapté et ne subissant pas les fluctuations d’un marché national aux cours erratiques.
L’engraissement sera assuré par des éleveurs réunis en groupement et qui établiront ensemble une grille tarifaire rémunératrice à tous les niveaux et négociée avec les entreprises de l’aval,


Hermes, superbe truie de l'élevage "le cochon drômois allaitant dans la cour les douze porcelets croisés duroc de sa dernière portée.

Le projet du cochon Rhône-Alpin

Yaqua focon, et pourquoi pas essayer ?

Un premier projet de ce type va démarrer bientôt en Haute Savoie, à titre expérimental, soutenu par des professionnels éleveurs, transformateurs et distributeurs de toute la région Auvergne Rhône Alpes, ainsi que le Conseil Régional et diverses organisations professionnelles.

Il s’agit de (re)construire deux « races » : le porc de Bresse-Savoie et le porc du Dauphiné.

L’objectif est d’installer une pépinière pour la sélection des reproducteurs, de recruter des naisseurs professionnels, puis de multiplier les installations d’engraisseur sur différents types d’exploitations disposant de parcours suffisants , et d’écouler les produits soit en vente directe soit par les réseaux de transformation et distribution intéressés, le tout avec un cahier des charges à tous les niveaux, une grille tarifaire contraignante, une marque commerciale et une certification.

Pour être engraisseur : il faut disposer de 5 hectares minimum de parcours (friche, lande, bois de feuillus, etc…), installer une clôture normalisée « porc de plein air », des cabanes, abreuvoirs et réfectoires (environ 40 000 € d’investissement au total), s’occuper à mi-temps des animaux (365 jours par an quand même).
200 à 300 animaux engraissés, environ 15 000 € à 25 000 € de revenu brut (hors charges sociales mais tous les frais d’exploitation et amortissements déduits).

Nous aurons l’occasion d’en  reparler très prochainement.

lundi 24 septembre 2018

Malencontreuse zizanie dans la filière porcine.



 Dans un article de blog daté de juillet  je soulignais la forte probabilité d’une nouvelle crise porcine à l’automne. Hélas, elle est arrivée.

Depuis le début de l’année 2018, la cotation du marché au cadran de Plérin n’a pas dépassé 1,30 € avec une moyenne cumulée  sur 36 semaines  de 1,20 € contre 1,436 € en 2017 et 1,274 € en 2016.

Rappelons que les spécialistes (l’IFIP entre autres) évaluent à environ 1,35 € le coût de production moyen du kg/carcasse en France, et ce avant l’augmentation récente du coût de l’aliment que l’on constate depuis quelques semaines. Même en intégrant les primes au classement, le compte n’y est pas pour la majorité des éleveurs.

Plus grave encore, jusqu’à présent les variations des  cours de Plérin suivaient grosso-modo  celles des cotations allemandes et espagnoles, les deux plus importants compétiteurs de l’élevage français. Or cette année, un décrochage persistant du cours français a été constaté, de l’ordre de 4 à 6 ct le kg/carcasse. Cela n’a pour autant pas fait diminuer les importations de viandes, surtout en provenance d’Espagne.

En absence d’explications rationnelles de la part des dirigeants de la filière  et des pouvoirs publics, préalable à toute mesure de sauvegarde,  la colère monte depuis la fin du mois d’août. Les Bonnets Roses manifestent au cadran de Plérin, essayant de faire pression sur les acheteurs pour au moins éviter une nouvelle baisse des cours, s’attaquant à la COOPERL  ARC  ATANTIQUE, la plus grosse coopérative du secteur (qui représente 25% de la production porcine française et intervient à tous les échelons de la filière), lui reprochant d’acheter 4 centimes en dessous du cours du cadran, s’en prenant aux autres grandes coopératives qui ne bougent pas une oreille dans la crainte de se fâcher avec leurs clients habituels, et enfin au fonctionnement du marché de Plérin lui-même qui est loin de protéger les éleveurs, ce qui est sa raison d’exister.

Il est fort probable, dans ce contexte, que les dispositions arrêtées par le gouvernement dans la loi agriculture et alimentation pour rééquilibrer le pouvoir de négociation des agriculteurs face à la distribution ne restent qu’au niveau des intentions.

L’augmentation régulière de la production espagnole, l’émergence de la production polonaise et la zizanie dans la production bretonne ne peuvent que contribuer à aggraver cette crise débutante.

samedi 28 juillet 2018

Une grave crise de l’élevage porcin parait inéluctable après l’été.




Après une embellie  en 2016/2017, tous les voyants qui permettent d’évaluer l’état de la conjoncture porcine pour la fin 2018 sont à nouveau passés au  rouge :
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      - Les cours du marché du porc au cadran de Plérin, baromètre qui influence  une grande partie des transactions entre  les éleveurs et l’aval de la filière, abatteurs, transformateurs et distributeurs, restent désespérément bas depuis le début de l’année 2018, autour de 1,20 € le kg carcasse, ce qui, avec les primes de classement, se traduit par un maximum de 1,40 € du prix réel payé à l’éleveur. L’année dernière à la même époque, ce prix moyen  s’élevait à 1,65 €, à conditions de charges sensiblement égales (prix de l’aliment entre autres).
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      - Le prix de revient moyen pour un éleveur français se situe aux alentours de 1,55 € le kg carcasse, avec cependant de larges écarts d’un élevage à l’autre. Le compte n’y est donc pas pour la très grande majorité des éleveurs  qui perdent en moyenne 15 centimes au kg, et cela depuis environ 10 mois.
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      - La situation porcine à l’intérieur de la Communauté Européenne est aussi très préoccupante :
o   Les cours allemands, espagnols et danois sont aussi très bas.
o   La consommation européenne est en baisse.
o   Les offres espagnoles et polonaises sont en hausse quantitative et compétitives en prix.
o   Le grand export, vers l’Asie principalement, est de plus en plus bouché et les surproductions européennes  se retrouvent donc sur le marché intra-communautaire.
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      - Les débouchés au grand export sont compromis :
o   Augmentation du volume  des productions américaines, canadiennes, brésiliennes et maintenant russes, qui viennent concurrencer les européens sur les marchés asiatiques, avec des prix compétitifs, souvent aussi favorisés par les taux de change.
o   Le débouché chinois, premier marché à l’export pour les européens et les américains,  est en cours de rétrécissement du fait de l’augmentation régulière de la production interne.
o   Seul un blocage « politique » lié à la dégradation des relations commerciales Chine-USA (et aussi Mexique-USA), pourrait améliorer (temporairement) la situation pour les éleveurs européens.

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      - Conclusion provisoire :
o   La filière française, qui n’est pas de loin la plus compétitive au niveau européen, va subir une concurrence intra-communautaire accrue avec de faibles perspectives au grand export.
o   Prêcher pour le porc « Origine France » ne suffira certainement pas à éviter  la crise de surproduction et la baisse des cours, qui s’annoncent sévères.