Le « Plan Agricole et Agroalimentaire pour l’Avenir de
la Bretagne » vient d’être publié (site "Le Monde" du 5 décembre) et appelle d’ores et déjà quelques remarques concernant la filière
porcine.
L’analyse de la situation actuelle de la Bretagne agricole
et agro-alimentaire est résumée au moyen d’une matrice SWOT (pages 45 et 46), qui
a pour principale caractéristique de ressembler au catalogue de la Redoute :
on y trouve de tout, pour faire plaisir sans doute à tout le monde !
Pour ceux qui ne sont pas familiers avec l’utilisation d’une matrice
SWOT, rappelons qu’il s’agit d’une méthode managériale d’analyse stratégique d’une
situation donnée qui consiste à rassembler sur un tableau des éléments,
classés par ordre d’importance dans quatre cases : Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces (Strengths, Weakenesses, Opportunities, Threats).
Le tout pour aider à la prise de décision.
La liste figurant dans chaque case ne doit pas compter trop d'éléments, sous peine de ne pas être véritablement la
"synthèse" opérationnelle attendue. En général la liste comprend 3 à
5 éléments. Au-delà de 7 éléments, on doit s'interroger sur le caractère nécessaire
de cette prolixité...
Or la matrice présentée ici comporte 18 éléments de Forces, 17 de Faiblesses,
14 d’Opportunités et 20 de Menaces (hou la la !), ce qui vaudrait une note
inférieure à 5/20 à tout étudiant présentant un tel document !
Plus sérieusement, certains éléments avancés sont
à prendre en considération, même s’il parait nécessaire d’en souligner
quelques contradictions, ne serait-ce que pour les lever.
Ce document fait apparaître (p.41) la faiblesse relative de
la valeur ajoutée par les IAA bretonnes,
de l’ordre de 16% contre 20% dans l’ensemble de la France, ce qui illustre l’orientation
« production de masse » du secteur, régulièrement soulignée par de
nombreux observateurs ces derniers temps.
Or il n’existe que deux façons d’augmenter la valeur ajoutée
dans une activité productive : obtenir des gains de productivité à prix de
vente constant ou bien monter en gamme (par la qualité, la notoriété, la rareté
relative, etc…) et justifier ainsi une
augmentation substantielle du prix de vente non entièrement répercutée sur le
prix de revient.
Ce raisonnement peut aussi être tenu plus en amont, au
niveau de l’élevage. Et c’est là que le plan contient visiblement quelques
contradictions.
L’élevage porcin breton (il n’est pas le seul, mais c’est
ici l’objet du rapport) souffre d’un
manque évident d’investissements et d’un problème de structure des élevages.
Plusieurs études publiées par l’IFIP (dépendant directement
de l’interprofession de l’élevage porcin), montrent que le seuil minimum de
rentabilité pour un élevage de naisseur engraisseur de situe vers 250 truies,
taille atteinte pour l’instant que par moins de 20% des exploitations et
préconise l’évolution vers des maternités plus importantes ( de 500 à 1000
truies) , à l’instar des danois et hollandais, leaders en ce domaine.
Rappelons que le même IFIP évaluait aussi en 2011 entre 2,4
et 2,7 milliards d’euros les
investissements nécessaires à la mise à niveau des élevages porcins français
(soit, en proportion, environ 1,7 milliards pour la seule Bretagne).
Rappelons enfin que
les dirigeants professionnels ont annoncé en mars 2013 (Michel Bloc’h,
Président de lUGPVB, dans Réussir Porc n°202) que sous condition de « libérer les
énergies » (ce qu’ils sont en train d’obtenir, au grand dam des défenseurs
de l’environnement…), ils évaluaient à environ 524 millions d’euros les
investissements qui pouvaient être consentis par la profession sans appel à
subventions extérieures
A mettre en face des 15 millions d’euros annoncés dans le plan….
Pour résumer, s’il s’agit d’augmenter la productivité, il
est nécessaire de pousser au développement de la taille des élevages en différenciant
les naisseurs des engraisseurs. Ce qui signifie aussi la disparition totale ou
partielle de plusieurs milliers d’élevages et la concentration des
investissements nécessaires sur un ou deux milliers d’élevages de grandes
dimensions, performants et pouvant alimenter la filière de transformation.
La montée en gamme, par contre, est tout à fait compatible
avec des structures d’exploitations de taille moyenne ou petite. Le document souligne la grande faiblesse des productions sous labels de qualité, AOP, IGP,
Label Rouge, bio, etc ?
Eh bien pourquoi, par exemple, ne pas promouvoir la réintroduction du Porc Blanc de l’Ouest en
élevage extensif, avec une alimentation de production locale, dans le but d’obtenir
à terme une AOP et de développer une filière de transformation locale ? Encore
faudrait-il là aussi libérer les
énergies et dégager des moyens pour aider sérieusement ceux qui se lanceraient
dans une activité prospective mais dont les résultats ne seront pas attendus
avant plusieurs années.
Ces deux démarches ne sont pas contradictoires, encore ne
faudrait-il pas que, dans l’urgence, le productivisme à tout crin ne l’emporte à nouveau et ne laisse aucune place aux projets de
diversification visant la montée en gamme… et le maintien des exploitations
familiales qui ne pourront plus suivre la course à la productivité
industrielle.
A suivre avec attention....
A suivre avec attention....