mardi 4 avril 2017

La filière porcine espagnole segmente par le haut… et attaque le marché français.



Un très intéressant article paru dans la revue Linéaire de janvier 2017 a pour objet l’introduction sur le marché français du fameux porc espagnol de race « Iberico »[1].

Plusieurs aspects de cette démarche sont particulièrement intéressants et devraient inspirer les éleveurs français.

Si la charcuterie espagnole de « pata negra » est réputée dans le monde entier, elle ne représente qu’un faible volume à l’export, vu surtout son prix prohibitif, résultat de contraintes d’élevage et d’élaboration draconiennes : races iberico pure, élevage en air extensif, finition aux glands (bellota), âge d’abattage élevé, suivi d’une maturation des jambons d’au moins 24 mois, etc….

Les éleveurs et salaisonniers espagnols, afin de rendre leur production un peu plus accessible en prix, ont décliné plusieurs segments à partir de la race pure Iberico. D’une part en croisant cette race avec du Duroc (en verrat terminal), d’autre part en assurant une partie de l’élevage en bâtiments. Ces porcs ne sont pas finis aux glands mais aux céréales et aux extraits d’huile d’olive et abattus à plus de 10 mois. Le tout sous la dénomination de « iberico cebo de campo » ou aussi « legato iberico ».

Tout confondu, ces porcs iberico représentent environ 10% du cheptel espagnol (2,9 millions de têtes en 2013, en augmentation régulière.)

Par ailleurs, ils ont aussi développé les ventes en viandes fraîches, avec des découpes « à l’espagnole » : pluma, lomos, presa, secreto, etc…

Ces produits, généralement conditionnés sous vide en portion consommateur LS ou muscle pour les revendeurs à la découpe, commencent à être introduits sur le marché français, en grande distribution (Carrefour et Leclerc en particulier) et chez des grossistes de Rungis.

J’ai acheté une barquette de « pluma nature » (équivalent de la grillade)  de porc Iberico, sous la marque « Delicadezas Ibéricas » dans mon magasin Carrefour habituel au prix de 29,90 € le kg et une autre de Lomo (filet)  nature à celui de 25,90 € le kg., soit plus de deux fois plus cher environ que l’équivalent en porc français Fermier Label Rouge. La viande, avec son gras intramusculaire, est très savoureuse, fondante et typée (ce qui se constate davantage dans la pluma que dans le lomo, moins gras).

Selon l’article, un revendeur de Rungis, Avigros, déclare en vendre en muscles entier entre 800 kg et 1 tonne par semaine à des restaurateurs et bouchers, mais aussi à quelques grandes surfaces, entre 15 et 20 € le kg selon les pièces.

Les conditions pour que ce marché prospère : la typicité, la qualité et la régularité.

A ma connaissance, il n’y a pas d’offre équivalente dans la production française, capable de fournir régulièrement des réseaux de distribution déjà existants et demandeurs.

La « niche » serait-elle trop petite ?





[1] « Zoom sur le porc ibérique », de Frédéric Carluer-Lossouarn, Linéaire n°331 de janvier 2017, pages 138 et suivantes.