lundi 1 octobre 2018

Le porc de plein air, élevé en liberté : un porc d’avenir !



Existe-t-il réellement un porc de haut de gamme en France ?

Réponse : oui, mais hélas encore de façon beaucoup trop marginale :
Le porc gascon, le porc corse ou le porc basque, constituent des vitrines prestigieuses mais à usage presque uniquement local !

Un peu partout en France des éleveurs se sont lancés dans des élevages que nous appellerons « non conventionnels », à la recherche d’une qualité locale ou régionale  à retrouver : élevage de plein air, en liberté, de races locales à croissance lente, souvent éteintes, d’âge d’abattage tardif, parfois sous label « bio », etc…

Toutes confondues, ces productions passent sous les radars des statistiques de l’IFIP (Institut technique du porc) et ne doivent pas représenter, sans doute de façon optimiste, plus de 0,5% de la production française, avec une très faible croissance.

La plupart des éleveurs  de cette catégorie sont souvent des naisseurs-engraisseurs de  très petite taille, avec un cheptel de 2 à 20 truies,  produisant entre 40 et 200 porcs /an et ne trouvent leur équilibre économique qu’en réalisant eux mêmes  la totalité du cycle de production : naisseurs, engraisseurs, transformateurs pratiquant la vente directe, à la ferme ou sur les marché de proximité.

Du fait de cette dispersion d’activités très chronophages, difficile à maîtriser techniquement en totalité, les performances en activité de naisseurs sont très souvent insuffisantes : qu’une truie mette bas 8 porcelets par an ou 20, elle consommera de toute façon 1,5 tonne d’aliment. Le  résultat économique s’en ressent.

De nombreux éleveurs « non conventionnels » souhaiteraient  se débarrasser de cette activité pour assurer seulement l’engraissement avant la transformation mais ils ne trouvent pas de porcelets à acheter, de race locale et a fortiori en « bio ». L’activité de naisseur n’est en effet pas assez rémunératrice  et les naisseurs, même performants, gardent leurs porcelets pour eux  et ne vendent que des surplus quand il y en a.

Cette organisation chaotique  explique la diversité des pratiques et le déficit d’image collective.

Un marché potentiel inexploité. Déficit d'offres structurées.

Côté débouchés, pas de problème ! La plupart des producteurs de porcs « non conventionnels » et de charcuteries issues de ces animaux,  n’arrivent pas à satisfaire toute  leur clientèle, tout en pratiquant des prix élevés !

Si l’on vise un premier objectif de 1% du marché, cela représente environ 22 000 tonnes, soit 220 000 porcs à produire par an. On en est très loin !

En outre, le gros du marché pour ce type de produit se trouve surtout dans les villes ou dans des lieux touristiques, là où le pouvoir d’achat est élevé. Or les distributeurs qui alimentent ces marchés, généralistes comme spécialisés, et les transformateurs, charcutiers et salaisonniers, n’ont pas accès à ce type d’animaux, pour plusieurs raisons :
-          L’inorganisation de l’offre, l’absence d’organisation collective et de masse critique, pour les raisons que nous avons abordées ci-dessus, qui interdit une offre régulière semaine après semaine, indispensable pour installer un marché dans des circuits de transformation distribution plus long.
-          La sous-évaluation de la valeur réelle des carcasses et de la viande de ce type d’animaux, ce qui décourage les éleveurs à vendre en carcasse.

La qualité, ça  se paye !

Habitués à acheter des carcasses à 2€ le kg, parfois 2,5€ quand il s’agit d’un porc label rouge, les transformateurs et intermédiaires  lèvent les bras au ciel lorsque un prix de vente au kg/carcasse est annoncé de 5€ pour du non bio et de 7€ pour du bio !

C’est pourtant à ce prix- là qu’une filière de porcs premium pourra s’installer de façon durable et il y a fort à parier que le consommateur averti acceptera de payer le prix si la qualité se voit dans l’assiette.

Qu’est-ce qu’un porc « premium » ?

-          Un porc de race locale à croissance lente et apte au plein air.
      Un parcours minimum de 250 m2 par animal, soit 40 porcs/hectare.
-          Un âge d’abattage à 10 mois minimum.
-          Une nourriture équilibrée avec très peu ou pas de maïs, surtout de l’orge, du blé, pois, féverole, topinambours, etc… et les ressources du parcours selon saison.

La viande produite est alors rouge, persillée, le gras dur savoureux et n’a plus  rien à voir avec du porc de batterie, fut-il Label Rouge ou même bio basique.

Construire des filières locales

Pour obtenir ce type d’animaux de façon régulière, il faut impérativement reconstruire des filières locales, surtout dans les endroits où il existe une tradition charcutière et salaisonnière…. Et où il n’y a plus de d’élevages de façon significative. En gros, tout le grand sud-est du pays, au sud d’une ligne allant de l’Alsace au Pays Basque, et même ailleurs !

Il faut dans chaque endroit définir un objectif qualitatif des animaux, morphologie, aptitudes techniques, etc… et créer des pépinières de sélection et production de reproducteurs.

La production de porcelets, le naissage, doit être confiée  à des spécialistes, en les rémunérant correctement par un prix de porcelet adapté et ne subissant pas les fluctuations d’un marché national aux cours erratiques.
L’engraissement sera assuré par des éleveurs réunis en groupement et qui établiront ensemble une grille tarifaire rémunératrice à tous les niveaux et négociée avec les entreprises de l’aval,


Hermes, superbe truie de l'élevage "le cochon drômois allaitant dans la cour les douze porcelets croisés duroc de sa dernière portée.

Le projet du cochon Rhône-Alpin

Yaqua focon, et pourquoi pas essayer ?

Un premier projet de ce type va démarrer bientôt en Haute Savoie, à titre expérimental, soutenu par des professionnels éleveurs, transformateurs et distributeurs de toute la région Auvergne Rhône Alpes, ainsi que le Conseil Régional et diverses organisations professionnelles.

Il s’agit de (re)construire deux « races » : le porc de Bresse-Savoie et le porc du Dauphiné.

L’objectif est d’installer une pépinière pour la sélection des reproducteurs, de recruter des naisseurs professionnels, puis de multiplier les installations d’engraisseur sur différents types d’exploitations disposant de parcours suffisants , et d’écouler les produits soit en vente directe soit par les réseaux de transformation et distribution intéressés, le tout avec un cahier des charges à tous les niveaux, une grille tarifaire contraignante, une marque commerciale et une certification.

Pour être engraisseur : il faut disposer de 5 hectares minimum de parcours (friche, lande, bois de feuillus, etc…), installer une clôture normalisée « porc de plein air », des cabanes, abreuvoirs et réfectoires (environ 40 000 € d’investissement au total), s’occuper à mi-temps des animaux (365 jours par an quand même).
200 à 300 animaux engraissés, environ 15 000 € à 25 000 € de revenu brut (hors charges sociales mais tous les frais d’exploitation et amortissements déduits).

Nous aurons l’occasion d’en  reparler très prochainement.