vendredi 4 novembre 2016

L'avenir de la production porcine française est-il dans l'exportation ?



Une rapide analyse des flux entre les principaux producteurs et consommateurs mondiaux de viande de porc fait ressortir une relative adéquation entre la production et la consommation au niveau des grands groupes de pays:
La Chine d'un côté, l'UE prise dans son ensemble, l'Alena (USA et le Canada), la Russie, l'Amérique du sud (Brésil, Chili, Argentine).

La Chine, premier importateur mondial, importe  moins de 4 millions de tonnes (TEC) pour une production propre de 54 millions de tonnes.(2014)
L’UE à 28 exporte moins de 3,3 millions de tonnes pour une production propre de 22 millions de tonnes (2015), et l’Alena exporte 2 millions de tonnes pour une production de 14 millions de tonnes.( Sources IFIP, Le porc par les chiffres )

Cela  caractérise la relative modestie des échanges intercontinentaux qui ne concernent en fait que 6% de la production et de la consommation mondiale.

Quand il n'est pas un objectif, comme en Russie, l’auto approvisionnement est la règle générale, au moins au niveau des grands ensembles mondiaux.
Les grands marchés sont donc essentiellement intra-régionaux  mais sous influence certaine de l’activité des échanges intercontinentaux, qui peuvent présenter parfois des effets déstabilisants, parfois aussi des effets régulateurs.
Cela a été le cas au second trimestre 2016 et encore maintenant ou la forte demande la Chine a permis de désengorger un marché européen déséquilibré par la fermeture du marché russe et ainsi de rétablir des cours plus rémunérateurs pour les éleveurs.

Mais la stabilité de ces échanges intercontinentaux est loin d'être assurée, la concurrence vive, surtout avec l'Alena) et le retour destabilisateur sur le marché intérieur de chaque groupe de pays probable, à défaut d'être prévisible.

Par ailleurs, le dynamisme de l'activité export européenne pays tiers (hors-UE), donc de 3,3 millions de tonnes en 2015, est essentiellement porté par l'Allemagne (22%), le Danemark (15%), l'Espagne (13%) et les Pays Bas (10%), la France, toujours 3ème producteur européen, ne contribue que pour 6%. L'activité sur l'année 2016 s'annonce en forte progression pour tout le monde, grâce surtout à la demande chinoise, mais le classement sera sans doute identique.

Le premier objectif pour la filière porcine française doit surtout être de reconquérir son marché intérieur.

mardi 20 septembre 2016

Un été bien silencieux


Depuis le milieu du printemps la filière porcine est bien silencieuse. Ce qui change des manifestations violentes et déclarations enflammées du début de l’année, des Bonnets Roses et des invectives entre représentants des éleveurs et ceux des industriels, de la grande distribution et du gouvernement.

Chacun y allait alors de sa déclaration, de sa solution, préconisant qui la massification de l’offre, qui la réforme du marché du porc breton, qui la mise en avant du porc français, qui la baisse des charges tout en sauvegardant le modèle social français ( ?), qui l’étiquetage obligatoire, etc…. il suffit de consulter la presse professionnelle de cette époque pour retrouver le florilège de propositions diverses, souvent contradictoires et démagogiques.

Il est vrai que l’amont de la profession, les éleveurs, étaient aux abois avec un cours au MPB désespérément très bas et des animaux de plus en plus lourds dans les élevages, et des industriels qui ne se portaient dans l’ensemble pas beaucoup mieux, sur un marché en profond déséquilibre offre/demande, une agressivité espagnole portant autant sur les quantités que sur les prix, la concurrence des abattoirs et transformateurs allemands, etc…

Que c’est- il donc passé ?

C'est bien une forte demande asiatique, surtout chinoise, qui a permis d'éponger le marché européen de ses excédents et, ipso-facto, fait remonté les cours dans tous les pays, jusqu’à un niveau qui n’avait pas été atteint depuis plus de deux ans. Ce lundi 19 septembre, le cours TMP 56 était de 1, 528 € le kg/carcasse, soit plus de 1,75 € payé à l’éleveur, avec un poids moyen de carcasse de 93,1 kg, soit 700 grammes de moins que l’année dernière à même date, selon le directeur du MPB.

Souvent les cours recommencent à descendre à la fin de l’été, jusqu’à la fin de l’année. Ce n’est pas le cas cette année, du moins pour l’instant, et la demande asiatique semble ferme.

Cette embellie est vraiment la bienvenue et va sans doute permettre à nombre d’éleveurs de souffler un peu. Mais sans vouloir faire le rabat-joie, cette amélioration n’est pas venue de la mise en place des mesures demandées au paroxysme de la crise (à l’exception peut-être de la mise en avant du porc français), mais d’une demande à l’exportation qui ressemble plus à une aubaine qu’à une action construite sur le long terme.

Remarquons d’abord que ce sont les espagnols et les allemands qui ont été à l’offensive sur le marché asiatique pendant que les français s’étripaient entre eux. Cela se voit aux résultats :
Si la France a augmenté de 200% ses exportations de viandes de porc fraîches et congelées vers la Chine entre janvier et juin 2016 par rapport à 2015, le tonnage n’est que de 43 000 tonnes contre 153 000 tonnes pour l’Allemagne, 135 000 pour l’Espagne, 83 000 pour le Danemark et 51 000 pour les Pays Bas.

La France souffre encore d’une baisse régulière de production alors que l’Espagne augmente la sienne, ce qui a du reste contribué à alimenter le déséquilibre du marché ces deux dernières années (depuis la fermeture du marché russe).

La remontée des cours est donc surtout imputable au dynamisme de nos principaux concurrents européens.

Les questions soulevées avant cette embellie concernant la structure et la compétitivité de la filière, la largeur et la qualité de l’offre, la performance des abattoirs, etc…. sont toujours devant nous.

Un exemple : dans une interview donnée au magazine Linéaire de septembre 2016, Robert Velut, président de la FICT (les industriels de la charcuterie), soulignait qu’il y avait une demande pour 60 000 tonnes de charcuterie bio alors qu’on ne trouve que 10 000 tonnes de viandes bio en France….

Espérons que les chinois nous laisseront assez de temps pour améliorer notre offre et reconquérir notre marché intérieur de plus en plus déficitaire avant qu’eux même ne changent d’avis et diminuent leur demande !

mardi 8 mars 2016

La filière porcine française a-t-elle un avenir ?

Voici la conclusion du livre "La filière porcine en France, le porc français a t-il un avenir", paru en juin 2013 aux éditions de l'Harmattan.
Toujours d'actualité...


La filière porcine française a-t-elle un avenir ?

La filière conventionnelle, qui représente plus de 95 % de l’activité, est en récession depuis plusieurs années et les conditions d’un retour à la croissance sont loin d’être réunies, ni même imaginées.
Le modèle économique sur lequel elle repose au niveau de l’élevage, est devenu monopoliste, pour ne pas dire totalitaire, et trop fortement « bretagno-centré ». Il a atteint ses limites, limites environnementales et limites de compétitivité.

L’avenir le plus vraisemblable parait résider dans la concentration de l’activité d’élevage intensif autour d’un nombre limité d’établissements de grandes dimensions, techniquement et économiquement performants, comparables à leurs principaux concurrents européens. Ils seront construits selon des normes permettant de garantir à la fois le « bien-être animal » défini réglementairement au niveau européen et le traitement efficace des effluents, ce qui mobilisera d’importants capitaux et moyens humains. Cela conduira à la disparition ou à la reconversion de nombreux élevages et sans doute à une diminution assez sensible des volumes de production.

Si cette évolution permet de redonner une certaine compétitivité à la filière d’élevage française face à ses principaux concurrents actuels, elle ne la fera pas sortir pour autant de l’étau économique dans lequel elle se trouve enserrée, constitué par les deux marchés globalisés, celui des aliments et celui des carcasses sur lesquels personne n’a plus aucune prise.

Cela n’améliorera pas non plus la situation des grands abattoirs, essentiellement bretons, qui verront de toute façon de moins en moins d’animaux arriver à leurs portes.

Les industries de transformation continueront à acheter leurs matières premières aux plus offrants, qu’ils soient bretons, danois, espagnols, roumains, et, pourquoi pas bientôt, canadiens ou américains. Ils seront cependant toujours tributaires des prix de la carcasse ou du muscle, fixés selon des cours de plus en plus mondialisés… Et ils devront toujours négocier les prix de vente à la grande distribution en valorisant si possible la qualité et l’originalité de leur transformation ainsi que la notoriété de leur marque, sur un marché final en régression….

Un point parait certain : ce n’est pas sur ces bases que ce secteur d’activité retrouvera de la croissance.

Les dirigeants professionnels actuels, obnubilés par les difficultés multiples que rencontre leur filière à presque tous les niveaux, prisonniers de leur base paupérisée, coincés dans des organisations diverses, complexes et rigides, ne sont pas en mesure de formuler des axes de développement stratégique cohérents, quand bien même ils laissent parfois en entrevoir la nécessité. Les seules réponses qui recueillent l’unanimité de la profession sont peu productives et souvent démagogiques : moins de contraintes (à l’agrandissement, environnemental, etc.), plus d’aides publiques, plus de protectionnisme, moins de pression de la grande distribution, etc..
Le productivisme à tout crin, prôné encore maintenant avec entrain par ces mêmes personnes, a trouvé là ses limites.

Les pouvoirs publics, de plus en plus sollicités, ne doivent pas limiter leur action à garder sous perfusion cette filière très mal en point.
Certes, le sort à court terme de dizaines de milliers d’emplois dans l’ouest de la France et, de façon plus diffuse, dans le reste du pays, ne peut les laisser indifférents. Il s’agit donc d’aider à la modernisation et à la montée en puissance des élevages qui en sont capables techniquement et financièrement et accompagner la reconversion ou l’abandon d’activité des autres, probablement, en nombre, une grande majorité.

Mais ils doivent aussi être persuadés que la production et la transformation porcine peut constituer un important levier de croissance futur, surtout dans des zones rurales actuellement en voie avancée de désertification et situées souvent à proximité d’activités charcutières et salaisonnières encore actives et réputées.
L’innovation, la segmentation de l’offre et la montée en gamme constituent le triptyque classique de toute action de relance stratégique d’une entreprise ou d’un secteur d’activité, permettant de mieux valoriser la production et de conquérir de nouveaux consommateurs.

Nous avons vu que le cœur de la filière, le point central sur lequel converge l’amont et l’aval, est ce fameux porc charcutier de 90 kg de TMP 60 qui est en train de devenir un standard mondial après avoir été le standard américain et européen.

Sortir de ce standard et son carcan doit être le point de départ d’une réflexion d’ensemble sur l’avenir du secteur. Il faut abandonner l’objectif prioritaire d’une amélioration régulière de la productivité industrielle. Il ne s’agit pas non plus de travailler à des adaptations à la marge de schémas industriels productivistes pour leur donner un verni de naturel que l’on pourrait plus ou moins facilement valoriser auprès du consommateur.
Il s’agit de créer un porc de rupture en réhabilitant et assurant la promotion de races typiques et de techniques d’élevage durables dans le cadre d’une véritable « politique industrielle porcine », qui doit être déclinée régionalement et même localement.

Les objectifs de cette politique doivent être en priorité :
- La montée en gamme, la segmentation des produits d’élevage porcin, la promotion des pratiques d’élevage durables.
- Le redéploiement géographique des activités d’élevage et d’abattage en liant terroirs et diversités de pratique. Cela demandera probablement une redéfinition de la politique foncière rurale, vaste sujet qui dépasse largement notre propos.
- La réorientation vers ces pratiques de moyens financiers publics et privés sur la recherche, le développement, la formation et l’investissement, en s’appuyant sur les structures existantes : écoles vétérinaires et d’agriculture, lycées agricoles, centre de sélection animale, organismes publics de recherche (INRA), etc..
- L’aide à la structuration de filières courtes locales et intégrées, sous formes coopératives ou capitalistiques.
- Le soutien à une animation économique active qui pourrait être portée par les Régions et par les Chambres d’Agriculture dans le cadre d’accords contractuels non exclusifs, mais aussi directement par les pays et autres structures de développement local.

Ces objectifs ne pourront être atteints qu’en créant régionalement d’autres filières que la filière conventionnelle, qui devront être « bouclées » depuis la production de l’aliment jusqu’à l’assiette du consommateur en excluant les "passagers clandestins" à tous les niveaux.
Une telle politique, qui a été écartée depuis des décennies autant par la profession que par les pouvoirs publics, ne produira pas de résultats rapidement et ne constitue donc pas une alternative à court ni même à moyen terme aux difficultés criantes avec laquelle la filière d’élevage actuelle est aux prises.

La qualité, la typicité, le lien au terroir, l’authenticité, le respect de l’environnement, la visibilité de l’activité doivent redevenir l’enjeu futur de l’élevage porcin et de la transformation bouchère et charcutière, un enjeu de croissance par la qualité, par la montée en gamme.

Cet enjeu n’est pas uniquement national, il est la base de la reconquête de marchés d’exportation en valorisant le « made in France » pour des produits de haute qualité gustative, sanitaire et environnementale !

Mars 2013

mardi 16 février 2016

La crise du porc, et après ?

Depuis plusieurs mois on assiste en France à l’explosion d’une très grave crise porcine, et plus largement de l’élevage.

Pour rester sur le secteur porcin, cette crise était inéluctable et donc prévisible depuis plusieurs années (voir nos précédents articles de blog). Si elle atteint tous les producteurs de la communauté européenne, les éleveurs français, et plus particulièrement ceux de l’ouest du pays, paraissent les plus touchés.
Certes, l’élément déclencheur est d’ordre conjoncturel : surproduction européenne menée par l’Espagne et l’Allemagne, renforcée par la fermeture du marché russe pour des raisons politiques (les raisons sanitaires paraissent ne constituer qu’un prétexte), l’un des marchés d’écoulement de la production européenne, surtout de sous-produits (gras, abats, etc…) en ce qui concerne l’élevage français.
Mais pour le reste il s’agit surtout d’une inadaptation structurelle de plus en plus flagrante de l’élevage français, de la primo-transformation (abattage-découpe) et de l’offre.

Les éleveurs questionnés par les médias ces dernières semaines, en grande partie ceux présentés par la FNSEA ou le CDJA, tiennent un discours du genre : on produit un porc de grande qualité (sous-entendu : meilleurs que nos concurrents allemands ou espagnols), on a des performances techniques, on serait compétitif si on ne subissait pas des charges et des normes excessives et il n’est pas question de se consacrer à des marchés de niche, par exemple le porc bio, celui de plein air ou de races locales : de l’auto-intoxication mortifère, hélas largement soutenue par les dirigeants professionnels, la technostructure et la passivité des pouvoirs publics.
Les propos des dirigeants des bonnets roses sont un peu plus réalistes, au moins sur un point, quand ils proposent de globaliser l’offre et de la segmenter autour de trois pôles : le standard, le bio et le label, ce qui serait un début de diversité qualitative.

Quelles sont les causes de la faiblesse de l’offre française ?
- La recherche obsessionnelle de la performance technique au détriment de la performance économique, sur la base d’exploitations familiales de trop petites dimensions.
- La standardisation excessive de la production et des méthodes de production, sous la houlette de trop nombreux groupements: qualité relative, peut être, mais il faut être à même de la prouver pour la valoriser.
- L’hyper-concentration géographique sur quelques bassins de production de l’ouest, ce qui potentialise, entre autres, les difficultés environnementales et donc ... la multiplication des normes.
- Le rejet idéologique de toute démarche de montée en gamme, de toute segmentation sérieuse du marché.
Ces quatre causes cumulées constituent depuis au moins vingt ans la pensée unique du porc, entretenue par tout l’amont de la filière, à quelques rares exceptions (Sud-Ouest, Auvergne…), très largement minoritaires.
Cela a conduit des éleveurs, jusqu’à encore maintenant, juste avant l’aggravation de la crise, souvent jeunes, à s’endetter pour s’enfermer dans des systèmes d’élevage rigides et sans avenir : quand on a construit des bâtiments d’élevage sophistiqués et couteux, performants techniquement mais uniquement conçus pour produire du porc standard, il est impossible d’évoluer vers une production plus qualitative : le bio, le plein air, les races locales à croissance lente, etc…, là où se trouve la nouvelle demande, une moindre concurrence et surtout de la valeur ajoutée.

Marché de niche ? Au début surement, mais ramené à un élevage familial qui produirait deux ou trois milles porcs charcutiers de ce type par an, il n’aurait pas grande difficulté à y intéresser quelques distributeurs locaux, eux aussi en panne de valeur ajoutée et d’innovation –produit. Souvenons-nous de la loi des débouchés du vieux Jean Baptiste Say : l’offre crée sa propre demande ( si l’offre est de qualité, ndlr). Les exemples de réussite sont multiples, dans tous les domaines.

A ce jour, il n'est pas concevable de prévoir une sortie de cette crise par le haut:
Les éleveurs, pris à la gorge, s’en prennent à tout le monde, le gouvernement qui n’a rien voulu voir venir, est désemparé et procrastine comme à son habitude , la grande distribution est muette et toujours sous ses contraintes d’hyper concurrence par le prix et d’accusation d’entente , les industriels ne s’expriment plus car pris dans des logiques de production qui ne peuvent se réduire à l’utilisation exclusive du porc français, les politiques se font discrets, ne savent pas quoi dire ou disent n’importe quoi, le syndicat agricole majoritaire essaye avec démagogie de récupérer un mouvement qui lui échappe de plus en plus, et tout le monde incrimine l’Europe.

La crise porcine et plus généralement de l’élevage est en train devenir une affaire de société. On arrive en fait au bout du bout d’un modèle économique sans aucun avenir lisible et qui annonce surtout la faillite pour de nombreux producteurs souvent endettés et des dégâts sociaux de grande envergure pour la filière industrielle qui lui est lié.
C’est cela que tout le monde va d’abord avoir à gérer, sous différentes formes, dans l’urgence.

Et ensuite ?
Le milieu des éleveurs demande des réformes structurelles. Lesquelles ?
La baisse des charges et des contraintes ? Plus de régulation nationale ou européenne ? La mise en avant du porc français ? Il ne s’agit pas de mesures structurelles !

Si l’on fait du bench-marking , on peut retenir deux voies, qui ont réussi.
- Celle de la compétitivité prix pour la production de porc standard : modèle américain, grandes exploitations, intégration, performances techniques moyennes et souvent un peu dopées, mais bonnes performances économiques sur une base de moins-disant social et environnemental. On peut y raccrocher le modèle espagnol (catalan). C’est aussi le modèle qui s’implante dans certains pays de l’est, en Russie, au Brésil, etc… En France, cela se traduira par la disparition de plusieurs milliers d’élevages de petite taille, surtout de naisseurs –engraisseurs, et peut être un déplacement des élevages vers les grandes régions céréalières…
- Celle de la montée en gamme bien organisée, sur le modèle canadien, type Du Breton, avec une intégration qualitative naissage-élevage-abattage-transformation, modèle bio ou rustique, avec marque commerciale et certifications diverses, modèle que l’on peut retrouver sous des formes moins intégrées au Royaume Uni et en Espagne du sud. Pour cela il faut trouver des opérateurs et surtout des investisseurs de long terme.
On peut aussi imaginer un nouveau modèle français, régional, bio, races rustiques de plein air… adapté à des exploitations familiales de petites et moyennes dimensions. Pour cela il faudrait mettre en place des outils d’organisation… qui n’existent pas.

Si l’on veut conserver une activité porcine en France, rentable et pourquoi pas prospective, il est absolument nécessaire non pas de se mettre autour d’une table pour défendre des intérêts corporatistes à court terme, mais réfléchir sur le long terme. Qui donc, hormis les pouvoirs publics et peut-être les secteurs les plus éclairés de l’interprofession, de l’élevage à la distribution, peut initier cette indispensable démarche ?

samedi 23 janvier 2016

Elever du porc autrement et en vivre ....



 Dans le contexte de crise porcine que l’on subit actuellement, en grande partie imputable à l’hyper-standardisation des pratiques d’élevage et des produits dont ils sont issus, il est utile de mettre l’accent sur les pratiques alternatives et surtout celles dont on ne parle pas, sauf très localement. Celles-ci ont tendance à se développer, même si elles restent très marginales en volume.

Il est cependant  très difficile de se lancer dans une description exhaustive de ce secteur, tant il est divers et protéiforme.

Dans toutes les régions des éleveurs, adeptes très souvent de l’agriculture paysanne de proximité, se sont lancés dans l’élevage porcin, soit à titre principal, assez rarement, soit en complément d’autres activités, de culture ou d’élevage.

La plupart pratiquent la vente directe, avec transformation dite « à la ferme », assez souvent dans des ateliers collectifs. La commercialisation s’effectue à la ferme, sur des marchés, au travers de magasins collectifs, plus rarement par internet, car cela  nécessite obligatoirement de disposer d’un atelier labélisé CE.

Les pratiques, et donc les produits, sont très variables : bio ou pas bio, naisseur-engraisseur ou engraisseur seul, porcs de races locales à croissance lente ou porcs « industriels », plein air extensif ou bâtiments plus ou moins ouverts, sur paille ou sur caillebotis, etc…

La qualité de transformation et la confiance que le consommateur acheteur direct manifeste à l’éleveur valent souvent tous les labels mais peuvent aussi masquer des tromperies…

L’intérêt majeur pour l’éleveur est de récupérer la totalité de la valeur ajoutée : un cochon vendu au prix du marché (mettons 1,30 €/kg carcasse) au charcutier ou à l’abattoir de l’endroit lui rapportera environ 120 euros. Or  il n’est pas rare de valoriser un animal transformé « à la ferme » à environ 1 000 euros, avec des pointes pour du haut de gamme jusqu’à 1 500 €.

Cela mérite donc sérieuse  réflexion….

Car en fait, tout n’est pas facile et, pour un certain nombre de réussite,  nombreux sont ceux qui s’y sont perdu.

En effet, il faut arriver à maîtriser plusieurs métiers :

Optionnels  

-          Cultivateur (pour l’aliment, qui peut cependant être totalement ou partiellement sourcé auprès d’un minotier)

-          Naisseur, métier très technique, qui peut être remplacé par l’achat de porcelets, ce qui limite souvent l’activité à des porcs standards (Large White ou équivalent), l’offre de porcelets en races locales étant souvent très aléatoire.

Obligatoire

-          Eleveur engraisseur

-          Boucher découpeur (qui peut être réglé par l’abattoir)

-          Transformateur (là ou se passe l’essentiel de la valeur ajoutée)

-          Commerçant, quelle qu’en soit la forme.

Ce qui se traduit aussi par un emploi du temps à rallonge et une nécessaire répartition du travail, souvent déjà au sein d’un couple, parfois au sein d’organisations de type GAEC.

Plusieurs difficultés freinent en outre le  développement de ces pratiques :

-          L’accès au foncier, qui est un problème essentiel, même en zone rurale en voie de désertification avancée, et même concernant l’usage de fonciers délaissés, prairies, friches, forêts, qui peuvent servir de parcours pour des élevages extensifs qui pourraient être ainsi réhabilités. Pour des raisons multiples, sur lesquelles nous aurons l’occasion de revenir lors d’un prochain article de blog, les propriétaires fonciers ont fortement tendance à bloquer toute initiative, espérant sans doute que leur terrain sera un jour constructible….

-          L’appui technique. Il y a belle lurette que les chambres d’agricultures et les organisations agricoles ne financent plus de technicien porcin (sauf peut-être en Bretagne…), et que les lycées agricoles ne s’intéressent plus à l’élevage porcin  extensif de plein air. Seuls les organisations d’éleveurs conventionnels et les industriels de l’aliment sont présents, uniquement auprès des éleveurs conventionnels. Les éleveurs atypiques sont donc très souvent livrés à eux même.

-          L’appui financier. Les commissions d’installation et les banques sont généralement très réservées sur des projets de ce genre.

Ajoutons à cela le fait que très souvent ceux qui portent ces activités sont des néo-ruraux, souvent d’un bon niveau de formation mais pas nécessairement en agriculture ni en charcuterie et nous aurons une idée des difficultés qui se dressent devant le développement de cette activité.

La diversité des pratiques, l’individualisme, l’isolement géographique ne poussent pas à la promotion collective de cette activité, ni à sa reconnaissance.

Pourtant l’accueil du consommateur est presque toujours au rendez-vous et nombre de ces producteurs n’arrivent pas à satisfaire la demande.

vendredi 22 janvier 2016

Les bonnets roses tournent au rouge vif et tout le monde s’en fout….


 
Comme il était prévisible depuis déjà quelques mois, la situation catastrophique du marché du porc conduit plusieurs milliers d’éleveurs à manifester sur les routes et dans les villes avant de mettre probablement la clé sous la porte.

La cotation au marché du porc de Plérin ce jeudi affichait 1,093€ (kg/carcasse TMP 56), soit un prix moyen payé à l’éleveur de l’ordre de 1,25€. Le poids moyen a baissé de 400 grammes (95,6 contre 96 la semaine dernière), ce qui traduit une petite baisse de l’engorgement des élevages, mais quand même d’un poids supérieur à presque 1,5 kg par rapport à l’année dernière (94,2). L’abondante offre espagnole, à un prix plus compétitif, ne laisse pas augurer une remontée rapide du marché et dans tous les cas le retour au seuil de 1,40 € payé à l’éleveur qui constitue le minimum de survie de nombreux élevages.

On ne comprend pas très bien pourquoi les opérateurs français n’ont presque pas recours au stockage privé, aidé par les aides européennes, largement utilisé par l’Allemagne et l’Espagne et qui a pour objet de désengorger le marché. Il est vrai que de telles mesures ne sont que conjoncturelles mais dans une telle situation…

Quoiqu’il en soit, les revendications des éleveurs (augmentation des cours et mise en avant du porc français), en admettant même qu’elles puissent être exhaussées, ne changeront pas grand-chose à la question de fonds : l’inadaptation grandissante de la filière porcine française, essentiellement bretonne, tant au niveau de l’élevage qu’à celui de l’abattage de la transformation.

Faute d’anticipation on se trouve dans une situation similaire à celle de la sidérurgie en Lorraine il y a vingt ans : des dizaines de milliers d’emplois très menacés, avec la différence que des milliers d’éleveurs cumuleront à la perte d’activité un endettement important, souvent de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Depuis les tonitruantes déclarations du ministre cet été, « le cours minimum de 1,40 € », et la mise en place d’aides diverses conjoncturelles, aucune stratégie n’a émergé, ni du ministère, ni des organisations professionnelles, ni des industriels, ni même des distributeurs, ces derniers ayant pourtant paru un peu plus réactifs.

Des aides directes à l’exploitation, si elles peuvent soulager temporairement les éleveurs les plus désespérés, ne résolveront pas le problème et il faudra de toute façon financer massivement la reconversion des éleveurs et des salariés de la filière, (en plus de ceux des filières laitières et bovin-viande…).

En plus des milieux politiques et professionnels concernés, il est vraiment très curieux qu’aucun média, à l’exception peut-être de Ouest France ou du Télégramme de Brest, ne traite le sujet autrement que par la relation anecdotique de manifestations pour l’instant encore de violence contenue mais qui ne peuvent que dégénérer en absence de réponse énergiques et crédibles.