mardi 14 novembre 2017

Le discours de Rungis et la filière porcine

Lors de son discours prononcé à Rungis à l’occasion des Etats Généraux de l’Alimentation à Rungis le 11 octobre, le président de la République a interpellé assez vivement les filières avicoles et porcines.

« Collectivement, nous avons protégé des choix absurdes »

« Est-ce que vous pensez que nous pouvons nous contenter d’avoir 0,5% de porcs « bio » en France, 3% de Label Rouge, alors que nous ne parvenons pas à satisfaire la demande des consommateurs »

« Pouvons-nous rester immobiles à regarder chaque matin le cours de Plérin en espérant que les chinois continuent d’acheter nos produits ?"

« Il ne s’agit pas de mettre en œuvre une série d’ajustements techniques, mais de décider collectivement de changer de paradigme et c’est à vous de proposer et de porter une stratégie pour inventer une nouvelle France agricole, car le modèle dans lequel nous sommes enferrés n’est pas soutenable » a insisté le chef de l’Etat devant un auditoire partagé entre applaudissements et silences polis.

Et de conclure sur ce chapitre :
« Peut-être que ce que je dis déplait, mais je ne suis pas là pour plaire. Moi, je crois aux volontaires, pas aux sceptiques »

Et de demander à chaque filière « de fixer des objectifs de montée en gamme sur la bio, les signes de qualité, des objectifs environnementaux et sociétaux… »

C’est promis, ce n’est pas moi qui lui ai rédigé son discours mais les lecteurs de ce blog savent bien que j’en partage l’analyse.

Les réactions à chaud des responsables porcins sont décevantes. Christiane Lambert, présidente de la FNSEA et éleveuse de porcs elle-même rejette le gros des difficultés et la forte pression sur les prix sur l’aval de la filière et plus particulièrement sur la distribution et Guillaume Roué, président de l’interprofession  INAPORC met en avant, en contrepartie de la montée en gamme un obscur besoin « d’indépendance quantitative ( ?) et de conquête de marchés à l’export» et soulignant « qu’il n’y a pas que des consommateurs riches » pour justifier la quasi exclusivité de l’offre de porcs standards par la filière française.
(Réussir Porc du mois de novembre 2017)

Les producteurs espagnols et italiens, qui nous inondent de produits finis à haute valeur ajoutée issus d’élevages de porcs premium, qu’ils exportent du reste dans le monde entier,  ont encore de beaux jours devant eux…


L’interprofession doit présenter un plan de filière d’ici la fin de l’année, il sera intéressant d’en voir le contenu….

lundi 5 juin 2017

A propos du porc de Bourdeaux


 Le porc de Bourdeaux est une race ancienne rhône-alpine qui doit son nom à la petite ville de Bourdeaux, dans la Drôme, au pied du Vercors. Elle est maintenant entièrement éteinte.

Selon une source autorisée, plusieurs truies survivantes de cette race (mais pas de verrat) ont servi à la reconstruction du porc gascon il y a une trentaine d’années. 

Cette race locale du sud-ouest, alors en voie de disparition elle aussi, a été sauvée par un programme de sauvegarde lancé par l’Institut Technique du Porc, l'INRA de Toulouse et le LIGERAL. 

Elle a été reconstituée à partir  d’une souche d'une dizaine de familles de porcs gascons et de quelques truies de race Bourdeaux qui subsistaient.

Le porc de Bourdeaux, quoique très noir, est de souche celtique et a ainsi contribué à améliorer la charpente du porc gascon, de souche ibérique de plus petite conformation.

Le porc de Bourdeaux était de hauteur à l’épaule plus élevé (1m environ contrer 0,7 pour le gascon) plus long et plus lourd, caractère d’amélioration favorable pour la relance du porc gascon.

En outre, le porc de Bourdeaux avait des oreilles tombantes devant les yeux (caractéristique celtique). Les porcs gascons sélectionnés pour la reconstitution avaient pour certain les oreilles plutôt dressées. L’introduction de porc de Bourdeaux devait donc aussi servir à améliorer la position des oreilles pour obtenir  l’aspect « casquette » qui caractérise le gascon.

Selon nos sources, si l’on veut relancer une variante de porcs gascons se rapprochant de la souche « Bourdeaux », il est nécessaire de sélectionner parmi les porcs gascons présents actuellement dans les élevages :
-          Les plus grands, long, lourds
-          Les plus noirs
-          Ceux qui ont un nez retroussé, court ou aplati
-          Ceux qui ont les oreilles tombantes.

Il serait possible, à terme, de réintroduire dans les lignées « gascon tendance Bourdeaux », des souches « Blanc de l’Ouest », qui renforceraient le caractère celtique...
Et reconstruire ainsi des lignées de porcs proches de l'ancien "porc de Bourdeaux", ou porc du Dauphiné.

A suivre…..


Antoine Marzio

mardi 4 avril 2017

La filière porcine espagnole segmente par le haut… et attaque le marché français.



Un très intéressant article paru dans la revue Linéaire de janvier 2017 a pour objet l’introduction sur le marché français du fameux porc espagnol de race « Iberico »[1].

Plusieurs aspects de cette démarche sont particulièrement intéressants et devraient inspirer les éleveurs français.

Si la charcuterie espagnole de « pata negra » est réputée dans le monde entier, elle ne représente qu’un faible volume à l’export, vu surtout son prix prohibitif, résultat de contraintes d’élevage et d’élaboration draconiennes : races iberico pure, élevage en air extensif, finition aux glands (bellota), âge d’abattage élevé, suivi d’une maturation des jambons d’au moins 24 mois, etc….

Les éleveurs et salaisonniers espagnols, afin de rendre leur production un peu plus accessible en prix, ont décliné plusieurs segments à partir de la race pure Iberico. D’une part en croisant cette race avec du Duroc (en verrat terminal), d’autre part en assurant une partie de l’élevage en bâtiments. Ces porcs ne sont pas finis aux glands mais aux céréales et aux extraits d’huile d’olive et abattus à plus de 10 mois. Le tout sous la dénomination de « iberico cebo de campo » ou aussi « legato iberico ».

Tout confondu, ces porcs iberico représentent environ 10% du cheptel espagnol (2,9 millions de têtes en 2013, en augmentation régulière.)

Par ailleurs, ils ont aussi développé les ventes en viandes fraîches, avec des découpes « à l’espagnole » : pluma, lomos, presa, secreto, etc…

Ces produits, généralement conditionnés sous vide en portion consommateur LS ou muscle pour les revendeurs à la découpe, commencent à être introduits sur le marché français, en grande distribution (Carrefour et Leclerc en particulier) et chez des grossistes de Rungis.

J’ai acheté une barquette de « pluma nature » (équivalent de la grillade)  de porc Iberico, sous la marque « Delicadezas Ibéricas » dans mon magasin Carrefour habituel au prix de 29,90 € le kg et une autre de Lomo (filet)  nature à celui de 25,90 € le kg., soit plus de deux fois plus cher environ que l’équivalent en porc français Fermier Label Rouge. La viande, avec son gras intramusculaire, est très savoureuse, fondante et typée (ce qui se constate davantage dans la pluma que dans le lomo, moins gras).

Selon l’article, un revendeur de Rungis, Avigros, déclare en vendre en muscles entier entre 800 kg et 1 tonne par semaine à des restaurateurs et bouchers, mais aussi à quelques grandes surfaces, entre 15 et 20 € le kg selon les pièces.

Les conditions pour que ce marché prospère : la typicité, la qualité et la régularité.

A ma connaissance, il n’y a pas d’offre équivalente dans la production française, capable de fournir régulièrement des réseaux de distribution déjà existants et demandeurs.

La « niche » serait-elle trop petite ?





[1] « Zoom sur le porc ibérique », de Frédéric Carluer-Lossouarn, Linéaire n°331 de janvier 2017, pages 138 et suivantes.

mercredi 1 mars 2017

Promenade porcine au SIRHA.


 Je me suis rendu au SIRHA de Lyon regarder l’offre porcine sous toutes ses formes.

Le constat général est que l’offre française de produits transformés ne place jamais en avant la qualité de la matière première, l'origine et la qualité des animaux, leurs conditions d’élevage, à l’exception notable  de deux exposants, l’un  offrant des  salaisons corses élaborées à partir de porc Nustrale et  l’autre du Noir de Bigore, avec du porc Gascon, autour desquels du reste de nombreux acheteurs avaient l’air de se presser.

Les autres exposants, souvent  issus de régions de vieille  tradition charcutière et salaisonnière,  mettent l'accent sur  leur savoir- faire traditionnel, leur caractère artisanal, familial, etc… pour des produits au demeurant corrects mais assez banaux. 

A la question : d’où proviennent vos animaux ? les réponses sont variables, de porc  français à porc européen, très rarement de porc local (et pour cause, il est en grave déficit de production partout sauf dans l’ouest), et toujours de porcs de races standards, généralement achetés en muscles et non en carcasse entière.

Les producteurs italiens, et surtout espagnols, sont plus clairs dans leurs explications.

jeudi 5 janvier 2017

Bonne Année !

Ouf !

L'année porcine 2016, qui avait très mal commencé, se termine non pas dans l'euphorie mais avec un soulagement certain. 

La forte demande chinoise constatée à partir du printemps a assaini le marché intérieur européen et fait remonter les cours à un niveau satisfaisant, avec 1,395 € en moyenne au second semestre au MPB, avec un coût de l'aliment qui reste assez stable.

Si tout le monde porcin peut s'en féliciter il est toutefois nécessaire de rester prudent.

Si les importations chinoises paraissent vraisemblablement pérennes sur un futur proche, la concurrence est rude, avec la remontée en puissance de l’exportation américaine, portée par une augmentation importante de leur capacité de production performante.

Les exportations de l’UE sont en grande partie assurées par les trois pays du nord, Allemagne, Danemark et Pays Bas, et surtout par l’Espagne, particulièrement dynamique. Les exportations française, en augmentation, restent toutefois à un modeste cinquième rang, avec 7 % de l'ensemble.

L'Espagne est le seul pays à avoir notablement augmenté sa production en 2016 (de 194 000 tonnes sur 10 mois), cette augmentation est inférieure à celle de ses exportations ( 229 000 tonnes sur la même période).
Heureusement pour les éleveurs français qui ont vu la concurrence espagnole diminuer sur leur marché, leur apportant ainsi un peu d’air.

L’impression qui en ressort est que la filière française est encore et toujours à la remorque des autres gros opérateurs européens et ne maîtrise pas réellement son destin.

Ce qui est positif, c’est que ses dirigeants en sont maintenant complètement conscients, et surtout qu’ils l’expriment.
Il ne se passe plus un mois sans que l’un ou l’autre parle de monter en gamme, de segmenter le marché, de prendre sérieusement en compte les attentes sociétales sur l’environnement et le bien-être animal, de répondre aux demandes non assurées de viandes bio, etc….
Il se passera sans doute encore quelques temps avant que cela ne se traduise dans l’activité réelle et dans les objectifs des groupements, mais l’évolution est intéressante et à encourager.



Bonne Année 2017 !