lundi 1 octobre 2018

Le porc de plein air, élevé en liberté : un porc d’avenir !



Existe-t-il réellement un porc de haut de gamme en France ?

Réponse : oui, mais hélas encore de façon beaucoup trop marginale :
Le porc gascon, le porc corse ou le porc basque, constituent des vitrines prestigieuses mais à usage presque uniquement local !

Un peu partout en France des éleveurs se sont lancés dans des élevages que nous appellerons « non conventionnels », à la recherche d’une qualité locale ou régionale  à retrouver : élevage de plein air, en liberté, de races locales à croissance lente, souvent éteintes, d’âge d’abattage tardif, parfois sous label « bio », etc…

Toutes confondues, ces productions passent sous les radars des statistiques de l’IFIP (Institut technique du porc) et ne doivent pas représenter, sans doute de façon optimiste, plus de 0,5% de la production française, avec une très faible croissance.

La plupart des éleveurs  de cette catégorie sont souvent des naisseurs-engraisseurs de  très petite taille, avec un cheptel de 2 à 20 truies,  produisant entre 40 et 200 porcs /an et ne trouvent leur équilibre économique qu’en réalisant eux mêmes  la totalité du cycle de production : naisseurs, engraisseurs, transformateurs pratiquant la vente directe, à la ferme ou sur les marché de proximité.

Du fait de cette dispersion d’activités très chronophages, difficile à maîtriser techniquement en totalité, les performances en activité de naisseurs sont très souvent insuffisantes : qu’une truie mette bas 8 porcelets par an ou 20, elle consommera de toute façon 1,5 tonne d’aliment. Le  résultat économique s’en ressent.

De nombreux éleveurs « non conventionnels » souhaiteraient  se débarrasser de cette activité pour assurer seulement l’engraissement avant la transformation mais ils ne trouvent pas de porcelets à acheter, de race locale et a fortiori en « bio ». L’activité de naisseur n’est en effet pas assez rémunératrice  et les naisseurs, même performants, gardent leurs porcelets pour eux  et ne vendent que des surplus quand il y en a.

Cette organisation chaotique  explique la diversité des pratiques et le déficit d’image collective.

Un marché potentiel inexploité. Déficit d'offres structurées.

Côté débouchés, pas de problème ! La plupart des producteurs de porcs « non conventionnels » et de charcuteries issues de ces animaux,  n’arrivent pas à satisfaire toute  leur clientèle, tout en pratiquant des prix élevés !

Si l’on vise un premier objectif de 1% du marché, cela représente environ 22 000 tonnes, soit 220 000 porcs à produire par an. On en est très loin !

En outre, le gros du marché pour ce type de produit se trouve surtout dans les villes ou dans des lieux touristiques, là où le pouvoir d’achat est élevé. Or les distributeurs qui alimentent ces marchés, généralistes comme spécialisés, et les transformateurs, charcutiers et salaisonniers, n’ont pas accès à ce type d’animaux, pour plusieurs raisons :
-          L’inorganisation de l’offre, l’absence d’organisation collective et de masse critique, pour les raisons que nous avons abordées ci-dessus, qui interdit une offre régulière semaine après semaine, indispensable pour installer un marché dans des circuits de transformation distribution plus long.
-          La sous-évaluation de la valeur réelle des carcasses et de la viande de ce type d’animaux, ce qui décourage les éleveurs à vendre en carcasse.

La qualité, ça  se paye !

Habitués à acheter des carcasses à 2€ le kg, parfois 2,5€ quand il s’agit d’un porc label rouge, les transformateurs et intermédiaires  lèvent les bras au ciel lorsque un prix de vente au kg/carcasse est annoncé de 5€ pour du non bio et de 7€ pour du bio !

C’est pourtant à ce prix- là qu’une filière de porcs premium pourra s’installer de façon durable et il y a fort à parier que le consommateur averti acceptera de payer le prix si la qualité se voit dans l’assiette.

Qu’est-ce qu’un porc « premium » ?

-          Un porc de race locale à croissance lente et apte au plein air.
      Un parcours minimum de 250 m2 par animal, soit 40 porcs/hectare.
-          Un âge d’abattage à 10 mois minimum.
-          Une nourriture équilibrée avec très peu ou pas de maïs, surtout de l’orge, du blé, pois, féverole, topinambours, etc… et les ressources du parcours selon saison.

La viande produite est alors rouge, persillée, le gras dur savoureux et n’a plus  rien à voir avec du porc de batterie, fut-il Label Rouge ou même bio basique.

Construire des filières locales

Pour obtenir ce type d’animaux de façon régulière, il faut impérativement reconstruire des filières locales, surtout dans les endroits où il existe une tradition charcutière et salaisonnière…. Et où il n’y a plus de d’élevages de façon significative. En gros, tout le grand sud-est du pays, au sud d’une ligne allant de l’Alsace au Pays Basque, et même ailleurs !

Il faut dans chaque endroit définir un objectif qualitatif des animaux, morphologie, aptitudes techniques, etc… et créer des pépinières de sélection et production de reproducteurs.

La production de porcelets, le naissage, doit être confiée  à des spécialistes, en les rémunérant correctement par un prix de porcelet adapté et ne subissant pas les fluctuations d’un marché national aux cours erratiques.
L’engraissement sera assuré par des éleveurs réunis en groupement et qui établiront ensemble une grille tarifaire rémunératrice à tous les niveaux et négociée avec les entreprises de l’aval,


Hermes, superbe truie de l'élevage "le cochon drômois allaitant dans la cour les douze porcelets croisés duroc de sa dernière portée.

Le projet du cochon Rhône-Alpin

Yaqua focon, et pourquoi pas essayer ?

Un premier projet de ce type va démarrer bientôt en Haute Savoie, à titre expérimental, soutenu par des professionnels éleveurs, transformateurs et distributeurs de toute la région Auvergne Rhône Alpes, ainsi que le Conseil Régional et diverses organisations professionnelles.

Il s’agit de (re)construire deux « races » : le porc de Bresse-Savoie et le porc du Dauphiné.

L’objectif est d’installer une pépinière pour la sélection des reproducteurs, de recruter des naisseurs professionnels, puis de multiplier les installations d’engraisseur sur différents types d’exploitations disposant de parcours suffisants , et d’écouler les produits soit en vente directe soit par les réseaux de transformation et distribution intéressés, le tout avec un cahier des charges à tous les niveaux, une grille tarifaire contraignante, une marque commerciale et une certification.

Pour être engraisseur : il faut disposer de 5 hectares minimum de parcours (friche, lande, bois de feuillus, etc…), installer une clôture normalisée « porc de plein air », des cabanes, abreuvoirs et réfectoires (environ 40 000 € d’investissement au total), s’occuper à mi-temps des animaux (365 jours par an quand même).
200 à 300 animaux engraissés, environ 15 000 € à 25 000 € de revenu brut (hors charges sociales mais tous les frais d’exploitation et amortissements déduits).

Nous aurons l’occasion d’en  reparler très prochainement.

lundi 24 septembre 2018

Malencontreuse zizanie dans la filière porcine.



 Dans un article de blog daté de juillet  je soulignais la forte probabilité d’une nouvelle crise porcine à l’automne. Hélas, elle est arrivée.

Depuis le début de l’année 2018, la cotation du marché au cadran de Plérin n’a pas dépassé 1,30 € avec une moyenne cumulée  sur 36 semaines  de 1,20 € contre 1,436 € en 2017 et 1,274 € en 2016.

Rappelons que les spécialistes (l’IFIP entre autres) évaluent à environ 1,35 € le coût de production moyen du kg/carcasse en France, et ce avant l’augmentation récente du coût de l’aliment que l’on constate depuis quelques semaines. Même en intégrant les primes au classement, le compte n’y est pas pour la majorité des éleveurs.

Plus grave encore, jusqu’à présent les variations des  cours de Plérin suivaient grosso-modo  celles des cotations allemandes et espagnoles, les deux plus importants compétiteurs de l’élevage français. Or cette année, un décrochage persistant du cours français a été constaté, de l’ordre de 4 à 6 ct le kg/carcasse. Cela n’a pour autant pas fait diminuer les importations de viandes, surtout en provenance d’Espagne.

En absence d’explications rationnelles de la part des dirigeants de la filière  et des pouvoirs publics, préalable à toute mesure de sauvegarde,  la colère monte depuis la fin du mois d’août. Les Bonnets Roses manifestent au cadran de Plérin, essayant de faire pression sur les acheteurs pour au moins éviter une nouvelle baisse des cours, s’attaquant à la COOPERL  ARC  ATANTIQUE, la plus grosse coopérative du secteur (qui représente 25% de la production porcine française et intervient à tous les échelons de la filière), lui reprochant d’acheter 4 centimes en dessous du cours du cadran, s’en prenant aux autres grandes coopératives qui ne bougent pas une oreille dans la crainte de se fâcher avec leurs clients habituels, et enfin au fonctionnement du marché de Plérin lui-même qui est loin de protéger les éleveurs, ce qui est sa raison d’exister.

Il est fort probable, dans ce contexte, que les dispositions arrêtées par le gouvernement dans la loi agriculture et alimentation pour rééquilibrer le pouvoir de négociation des agriculteurs face à la distribution ne restent qu’au niveau des intentions.

L’augmentation régulière de la production espagnole, l’émergence de la production polonaise et la zizanie dans la production bretonne ne peuvent que contribuer à aggraver cette crise débutante.

samedi 28 juillet 2018

Une grave crise de l’élevage porcin parait inéluctable après l’été.




Après une embellie  en 2016/2017, tous les voyants qui permettent d’évaluer l’état de la conjoncture porcine pour la fin 2018 sont à nouveau passés au  rouge :
-         
      - Les cours du marché du porc au cadran de Plérin, baromètre qui influence  une grande partie des transactions entre  les éleveurs et l’aval de la filière, abatteurs, transformateurs et distributeurs, restent désespérément bas depuis le début de l’année 2018, autour de 1,20 € le kg carcasse, ce qui, avec les primes de classement, se traduit par un maximum de 1,40 € du prix réel payé à l’éleveur. L’année dernière à la même époque, ce prix moyen  s’élevait à 1,65 €, à conditions de charges sensiblement égales (prix de l’aliment entre autres).
-          
      - Le prix de revient moyen pour un éleveur français se situe aux alentours de 1,55 € le kg carcasse, avec cependant de larges écarts d’un élevage à l’autre. Le compte n’y est donc pas pour la très grande majorité des éleveurs  qui perdent en moyenne 15 centimes au kg, et cela depuis environ 10 mois.
-         
      - La situation porcine à l’intérieur de la Communauté Européenne est aussi très préoccupante :
o   Les cours allemands, espagnols et danois sont aussi très bas.
o   La consommation européenne est en baisse.
o   Les offres espagnoles et polonaises sont en hausse quantitative et compétitives en prix.
o   Le grand export, vers l’Asie principalement, est de plus en plus bouché et les surproductions européennes  se retrouvent donc sur le marché intra-communautaire.
-         
      - Les débouchés au grand export sont compromis :
o   Augmentation du volume  des productions américaines, canadiennes, brésiliennes et maintenant russes, qui viennent concurrencer les européens sur les marchés asiatiques, avec des prix compétitifs, souvent aussi favorisés par les taux de change.
o   Le débouché chinois, premier marché à l’export pour les européens et les américains,  est en cours de rétrécissement du fait de l’augmentation régulière de la production interne.
o   Seul un blocage « politique » lié à la dégradation des relations commerciales Chine-USA (et aussi Mexique-USA), pourrait améliorer (temporairement) la situation pour les éleveurs européens.

-         
      - Conclusion provisoire :
o   La filière française, qui n’est pas de loin la plus compétitive au niveau européen, va subir une concurrence intra-communautaire accrue avec de faibles perspectives au grand export.
o   Prêcher pour le porc « Origine France » ne suffira certainement pas à éviter  la crise de surproduction et la baisse des cours, qui s’annoncent sévères.


mercredi 30 mai 2018

Vers une prochaine crise du porc en France ?



 Les cours du porc sur le marché au cadran de Plérin  restent désespérément bas.

Ces cours orientent toujours la plus grande partie des transactions sur le territoire national, souvent en cohérence avec les marchés voisins, allemands et espagnols principalement.

De façon assez régulière depuis des années, les cours sont au plus bas  en fin d’année et remontent à partir de mars-avril pour atteindre leur apogée en juillet août quand la demande est forte en produits à griller, saucisses, etc… qui agrémentent les barbecues européens.

Or curieusement en ce moment, les cours français restent bas et en dessous de ceux de ses voisins, à l’exception du cours danois, très dépendant des marchés de grand export, vers la Chine principalement.

Bref, cette année, rien ne se passe comme d’habitude.

Le climat pluvieux du printemps décourage les amateurs de grillades en plein air, le marché chinois se restreint, la concurrence américaine, canadienne et brésilienne devient de plus en plus vive  sur les marchés internationaux et les offres espagnoles et polonaises  sont en forte augmentation.

Résultat : Les cours sont plus de 30 centimes d’euros plus bas qu’en 2017 (environ 1,35 € le kg-carcasse payé à l'éleveur au lieu de 1,65€ en 2017 à la même époque), qui a été une assez bonne année après plusieurs années très difficiles et qui a bénéficié de l’alignement des planètes : forte demande chinoise et asiatique, modération des prix de l’aliment, concurrence américaine subissant encore les contre coups de l’épidémie de DEP, etc…. Tout cela est fini !

Les cours de Plérin  ne semblent pas vouloir remonter, du moins de façon satisfaisante pour les éleveurs, dont beaucoup vendent depuis plusieurs mois  à perte, asséchant à nouveau les trésoreries laborieusement et partiellement reconstituées l’année dernière après plusieurs années très difficiles.

Si la montée saisonnière des cours  est encore possible, si ce n’est probable d’ici l’été, il ne faut pas s’attendre à retrouver ceux de l’an dernier et les éleveurs français les moins compétitifs vont très certainement connaitre à nouveau des difficultés qu’aucune politique de court terme ne pourra réellement soulager.

lundi 23 avril 2018

Quelques éléments de géopolitique porcine….



Pourquoi la production porcine française  accuse une baisse régulière alors que la consommation mondiale augmente et que nos principaux compétiteurs européens progressent eux aussi malgré le tassement de leur consommation intérieure ?
Trois grands groupes de pays constituent l’essentiel de l’activité porcine mondiale, à la fois producteurs et consommateurs :
Le groupe asiatique, au premier rang duquel figure la Chine, de très loin premier producteur mondial (la moitié de la production environ) et premier consommateur. La Chine accuse cependant un déficit constant de sa balance porcine et importe de grandes quantités de viande porcine, d’Europe ou d’Amérique . Elle est suivie de loin par des pays essentiellement consommateurs, donc importateurs, le Japon, la Corée du Sud, le Viet-Nam, Hong-Kong, etc…
L’Europe, et plus particulièrement l’UE28, à la fois consommatrice et productrice, est le second producteur et le premier exportateur mondial, à destination surtout de l’Asie.
Elle est sur ce point en compétition ouverte avec le troisième groupe, l’Alena, et surtout les USA et le Canada.
D’autres pays émergent et peuvent devenir à terme des compétiteurs dynamiques et dangereux : l’Ukraine et la Russie , qui disposent d’un fort potentiel céréalier et de protéagineux, l’alimentation de base du porc industriel, d’équipements de plus en plus modernes installés en collaboration avec les grands opérateurs américains, brésiliens et allemands, d’une main d’œuvre bon marché et de contraintes environnementales allégées. Il en est de même du groupe sud-américain, emmené par le Brésil, avec l’Argentine et le Chili.
Tous ces nouveaux opérateurs rêvent d’attaquer  le marché chinois quand ils auront saturé leur marché intérieur, et même avant. La Chine ne peut en effet accroitre fortement sa production, faute de productions vivrières suffisantes, en compétition aussi avec l’alimentation humaine.
La caractéristique commune  de ces nouveaux intervenants est de produire sur des méga-installations, très intégrées, directement liées aux productions locales vivrières céréales-protéagineux, et donc particulièrement compétitives.

Remarquons par ailleurs que  si l’UE 28 est toujours le premier exportateur mondial, c’est surtout grâce au dynamisme des producteurs espagnols, allemands et danois, et plus récemment polonais.
La France, troisième pays producteur de l’UE après l’Allemagne et l’Espagne ne participe que très marginalement à cette activité de grand export et se fait même sévèrement  concurrencer sur son marché intérieur par ses voisins, d’où un  déficit de sa balance commerciale porcine d’environ 300 millions d’euros en 2017.
En misant depuis trop longtemps et uniquement sur la production de porcs standards élevés en batteries hors-sol, avec d’hypothétiques gains de productivité inaccessibles du fait des diverses contraintes sociales et environnementales, de la petite taille des exploitations et de leur faiblesse  financière, en écartant toute réelle montée en gamme qui pourrait être mieux adaptée à la structure familiale  majoritaire dans les élevages français, en écoutant pas l’évolution de la demande des consommateurs ( naturel, local, filière courte, traçabilité, typicité, bien-être animal, etc… ) souvent relayée par les distributeurs et les transformateurs, l’élevage porcin français a perdu pied.

lundi 12 mars 2018

Innovons dans le cochon !

Un nouvel essai de Antoine Marzio, paru début mars 2018 aux éditions de l'Harmattan.
ISBN : 978-2-343-114256-2   160 pages      17,50 €



jeudi 22 février 2018

La filière porc existe-t-elle réellement ?



La filière porc existerait  s’il se pratiquait un minimum de solidarité entre les différents acteurs de cette filière or, à plusieurs niveaux, le chacun pour soi prédomine : des industriels de l’aliment aux distributeurs, c’est à celui qui arrivera à capter le maximum de la valeur ajoutée sur un produit déjà très appauvri.

C’est souvent l’éleveur qui en fait le plus les frais, devenu le sous-traitant et la variable d’ajustement du système.  Il faut cependant souligner que les éleveurs, et les organisations qui les représentent, se sont enfermés eux-mêmes dans ce système absurde qui consiste à vouloir absolument produire un porc standard sur des exploitations familiales artisanales alors que les principaux concurrents européens et surtout mondiaux ont mis en place des moyens industriels d’élevage.

L’existence  de marchés intermédiaires de l’aliment, des carcasses et des muscles, ouverts à tout va, a conduit à un effondrement structurel des prix de la viande porcine qui n’est pas prêt de se reprendre de façon durable, d’autant plus avec les négociations en cours de vastes traités commerciaux assez irresponsables avec le Canada, le Mercosur et peut être les USA.

Quoiqu’il en soit, il est absolument nécessaire de redonner de l’identité locale et de la typicité aux produits porcins et de répondre aux attentes de plus en plus affirmées par les consommateurs français.
Cela ne sera possible que par la reconstruction de filière locales identifiables par ceux-ci en comptant sur un partenariat solidaire entre les  acteurs du haut en bas de la filière sur la base d’un cahier des charges assurant la typicité des produits, de grilles tarifaires garantissant une équitable répartition de la valeur ajoutée , de certification et de marques commerciales.

Mis à part quelques précurseurs encore bien timides en Gascogne, en Corse ou au Pays Basque, on en est encore très loin et il serait souhaitable que les pouvoirs publics, à tous les niveaux, s’emparent de la question, ce qui éviterait à terme de creuser le déficit de la balance commerciale de la filière porc qui s’évaluerait, selon le site professionnel « Culture Viande », à 400 millions d’euros pour 2017.

samedi 20 janvier 2018

Filière « push » ou filière « pull » ?


 En rendant rapidement compte du « plan de la filière porcine française » je faisais remarquer qu’il reflétait davantage des préoccupations des éleveurs que de celles des consommateurs, qui sont quand même les « end users », ceux qui payent à la fin pour consommer les produits et donc potentiellement ceux qui vont assurer son avenir.

Les consommateurs leaders, du moins ceux qui orientent le marché et finissent par entrainer les autres, souhaitent de la typicité, du goût, de la diversité, du naturel, du local, etc… en fait toutes choses que la filière d’élevage a mis beaucoup d’obstination depuis plusieurs décennies à réduire à une production de masse non différenciée et localisée surtout en Bretagne en s’étonnant ensuite que seul le prix de vente le plus bas intéressait leurs acheteurs, abattoirs, transformateurs et distributeurs.

Comme le soulignait à juste titre le président de la République lors de ce fameux discours de Rungis : « Est-ce que vous pensez que nous pouvons nous contenter d’avoir 0,5% de porcs « bio » en France, 3% de Label Rouge, alors que nous ne parvenons pas à satisfaire la demande des consommateurs ».

Dans ce « plan de filière », il est fait état de la possibilité de diversifier les systèmes d’élevage mais pour indiquer juste après que le maintien d’une filière porcine française dépendra directement de son niveau de compétitivité (page 5).

Quelle compétitivité ? La compétitivité coût, bien sûr ! Celle sur laquelle la filière d’élevage conventionnelle (industrielle) est en difficulté, pour des raisons valables (dumping social par exemple) et d’autres moins (obsolescence  des installations et sclérose des organisations, autres exemples). La compétitivité hors coût ? Il faudrait, selon Guillaume Roué, président d’INAPORC, prouver avant qu’il y ait un marché solvable ! Pourtant nous sommes, parait-il, dans une économie de l’offre…. et l'offre crée la demande, si l'on en croit la loi des débouchés du bon vieux Jean Baptiste Say. Encore faudrait-il qu'il y ait une offre!

Que la filière d’élevage et les organisations qui la représentent soient très concernées par l’avenir des éleveurs qui les mandatent et qui sont enfermés dans un système rigide et de plus en plus inadapté face à une concurrence internationale de plus en plus vive et une demande nationale de plus en plus qualitative, cela peut se comprendre. Les solutions qu’ils apportent sont celles de ce que l’on pourrait appeler adaptées à une filière « push », filière de recherche de débouchés pour une production donnée, que pratique par exemple avec un certain succès et quelques contradictions la Cooperl Arc-Atlantique.

Mais l’on peut aussi considérer et mettre des moyens pour construire une filière « pull », celle qui part des demandes actuelles et potentielles du marché, décrites sommairement plus haut et qui cherchent à y adapter la filière. Cela nécessite que les intermédiaires du bas de la filière, ceux qui sont en contact directs avec les consommateurs, distributeurs et transformateurs, qui font du marketing et qui de plus en plus souvent vont chercher ailleurs de quoi les satisfaire, en Espagne et en Italie en particulier, acceptent d’investir en amont. Ils ont déjà commencé, de façon pour l’instant encore timide, en ménageant les éleveurs existants: sans OGM, sans antibiotique, avec des Oméga 3, etc... ce qui n''implique pas fondamentalement la remise en cause des techniques d'élevage intensives hors-sol. Mais cela signifie aussi un changement de cap des pouvoirs publics et des organismes d’accompagnement : IFIP, INRA, etc…


Un redéploiement territorial de l’élevage, une diversification autant des races d’animaux que des pratiques, la construction d’une offre de haute qualité gustative et environnementale, ne se fera pas sans un investissement important de tous les opérateurs de la filière, sur des bases locales et verticales, qui se croiseront nécessairement quelque part avec la filière existante, en partant du marché et non uniquement des préoccupations des structures de production en place.

jeudi 18 janvier 2018

Le saucisson de Belley

Dans un petit ouvrage paru en 1892 sous le titre  "La Table au pays de Brillat-Savarin", son auteur Lucien Tendret, alors avocat à Belley (01), consacre tout un chapitre à la charcuterie et plus particulièrement au "saucisson de Belley", dont j'en transcrit ci-dessous un extrait.

Chapitre V
 LA CHARCUTERIE
le Saucisson de Belley

"Ah! la bonne chose que ce saucisson"
Voltaire, Lettre à M. le marquis Albergati Capacelli

" La charcuterie de Belley était autrefois renommée, mais on a introduit dans le pays une race de porcs blancs, dont la chair fadasse ne donne que de mauvais produits.
Anciennement, dans les maisons bourgeoises, les saucissons étaient préparés avec des soins minutieux. Ce travail s’appelait baconage, du vieux mot français bacon signifiant porc. On se délectait des boudins délicats faits de crème onctueuse et de consommé savoureux mêlés au sang pur de la victime immolée. Ces boudins exquis, on ne les trouve plus, car aujourd’hui le sang est frelaté comme le vin.
Pour avoir de la bonne charcuterie, il faut choisir des porcs noirs, de l’espèce ancienne du Bugey ou du Dauphiné. S’ils sont nourris d’herbes cuites, de feuilles de légumes, de déchets de cuisine, d’eaux grasses et de son, leur chair sera molle, sans saveur et de couleur grise ; mais elle sera ferme, sapide et rouge s’ils sont engraissés de pommes de terre cuites, d’orge grossièrement moulue, de féveroles concassées, de maïs, de sarrasin, de glands, de châtaignes, d’avoine et de farine de seigle.
Les saucissons doivent être fabriqués pendant l’hiver, par un temps frais et sec. On baconne dans une chambre non chauffée, mais si la viande subissait un froid trop rigoureux, elle resterait pâle et n’aurait jamais la couleur rose, un des attraits de la charcuterie.
La viande du porc est choisie sur des tables ou des planches, appropriées et frottées d’ail comme les vases employés.
Dans un vieux manuscrit daté de 1798, je lis cette phrase : « Les personnes qui choisissent la viande ne doivent avoir aucune indisposition », c’est-à-dire « les femmes doivent être en état de grâce ».
Le saucisson de Belley est un produit d’origine italienne ; il ressemble à la mortadelle de Bologne, mais il lui est supérieur, si la fabrication est réussie.
Pour avoir six saucissons d’environ deux livres chacun, il faut au moins soixante livres de viande prise de préférence dans les quartiers de derrière et dans les filets du porc.
On sépare d’abord la viande maigre du lard gras ; on choisit ensuite, si je puis m’exprimer ainsi, ce qu’il y a de plus maigre dans le maigre, et avec un couteau dont la lame est affilée et pointue, on enlève, en raclant dans les morceaux de chair, les filaments, les nerfs et les plus petites parcelles de graisse ; cette séparation minutieuse des parties maigres et des parties grasses est importante, car si elle est mal faite le goût des saucissons sera complètement modifié.
On met cette viande triée, et déjà réduite en pâte, dans un vaste plat de terre appelé vulgairement conche, celle séparée est mise dans un autre plat de même dimension, et on l’utilise pour des cervelas et des godiveaux.
Les saucissons sont faits avec la viande de premier choix ; on la hache en quantité de cinq cents grammes à la fois, jusqu’à ce qu’elle soit réduite en une pâte homogène, lisse et très fine ; avant chaque opération, on nettoie la table ou la planche sur laquelle on hache et on la frotte d’ail ; il faut aussi essuyer souvent la lame du couteau à hacher, car elle est bientôt recouverte de graisse restée dans la viande choisie."

Le porc du Dauphiné, ou celui du Bugey, ne sont plus hélas que de lointains souvenirs .
Quant au saucisson de Belley....

A suivre.

La Table au pays de Brillat-Savarin, Edition HORVATH, 1892. Réédité en 1986 par les Editions Horvath, 42120 Le Coteau. ISBN 2-7171-0411-9

mardi 16 janvier 2018

Parlons de filières : verticales ou horizontales ?


 La notion de filière a pris une place importante, surtout dans le domaine agro-alimentaire et plus particulièrement dans le domaine porcin, qui abrite probablement l’une des plus longues filières de l’agro-alimentaire.

De la fourche à la fourchette, pour reprendre un slogan bien connu, de très nombreux opérateurs interviennent sur le produit.

Le cultivateur (de céréale et de protéagineux), le minotier qui fabrique l’aliment (environ 60 à 70 % du cout final d’un porc charcutier),  le sélectionneur multiplicateur de reproducteurs, l’éleveur naisseur, l’engraisseur (parfois le même), l’abatteur, le découpeur, le transformateur, le boucher, le charcutier, et tous les fournisseurs connexes, de matériel, d’ingrédients, de pharmacopées diverses, pour finir dans les différents canaux de distribution, grande ou petite.

Ce qui caractérise aussi la filière porcine, c’est son côté « horizontal ». Quasiment à chaque étape, on assiste à une banalisation du produit intermédiaire : l’aliment, commercialisé souvent par des entreprises au moins nationale et élaboré à partir de matières premières venant du monde entier au gré des cours et des disponibilités, la génétique (les reproducteurs), sur un nombre très limité de schémas de plus en plus mondialisés, les techniques d’élevage (hors sol en bâtiment pour faire court), les techniques d’abattage, de découpe et de conditionnement, qui, presque identiques dans le monde entier, banalisent les muscles et transforment l’animal en minerais anonymes, les transformations charcutières ou salaisonnières , qui se sont à la fois spécialisées et délocalisées : on fabrique du saucisson partout grâce aux séchoirs électriques, il n’y a plus que deux ou trois fabricants de rillettes qui en vendent dans la France entière, etc…  A chaque étape, des marchés intermédiaires avec cotation indépendante se sont immiscés, renforçant encore la prédominance du moindre coût sur l'origine et  la typicité…. et source de nombreuses tromperies ! En fait, il n'y a pas de "effet de filière", effet qui pourrait rendre solidaire différents agents, qu'ils soient en amont ou en aval, dans le but de valoriser l'ensemble.

La réponse se situe sans doute dans la construction de filières « verticales », souvent sur une base géographique définie, d'une race porcine, d'un mode d'élevage (par exemple le plein air, parfois conjugués. C’est ce que construisent, avec difficultés, les partenaires réunis autour du porc basque KINOA , du gascon « Noir de Bigorre », du porc corse, Nustrale, et peut être aussi de la saucisse de Montbéliard et de la saucisse de Morteau, ou des andouilles de Vire et de Guéméné. On en oublie sans doute, mais assez peu. En effet, beaucoup de produits sous IGP sont caractérisés par un savoir-faire local mais aucunement par une origine de matière première, ce qui en retire de la force mais aussi souvent de la typicité et de la valeur ajoutée locale.

Ces filières "locales et verticales" permettent d'engager des partenariats locaux entre corps de métier différents, de se mettre d'accord avec des arguments objectifs sur des prix de cession et des grilles tarifaires réalistes (et non sur la base de cours de marchés exotiques) et d'engager des actions commerciales et promotionnelles performantes.

Une autre réponse est la filière courte locale : élevés et transformés à la ferme. La diversité des pratiques et la dispersion des éleveurs-transformateurs gênent la projection d'une image cohérente de ces pratiques et  n’empêche pas quelques dérives sur la race des animaux, leur régime alimentaire, leur mode d’élevage, etc…Ces démarches sont encore très marginales en volume et ne progressent que très lentement malgré un réel intérêt de consommateurs de plus en plus nombreux.

Bref, il semble pourtant que l’avenir va dans ce sens : un terroir, une race, une alimentation locale, des techniques d’élevage homogènes, des produits transformés localement, une marque commerciale, un réseau de distribution permettant de faire remonter la valeur ajoutée vers les lieux de production (aliment, élevage, transformation)… à condition d’atteindre une masse critique de production suffisante pour assurer toutes les fonctions nécessaires et construire une notoriété.

A suivre…..

samedi 13 janvier 2018

Le plan de la filière porcine française.


  En réponse au discours de Rungis du président de la République, qui enjoignait aux filières agro-alimentaire de se prendre par la main et de présenter d’ici la fin de l’année 2017 chacune un plan de filière permettant « de fixer des objectifs de restructuration interne aux interprofessions, des objectifs de montée en gamme sur la bio, les signes de qualité, des objectifs environnementaux et sociétaux, des programmes de recherche agricole, de ciblage des investissements », tout programme qui pourrait s’inscrire dans un futur plan d’investissement de 5 milliards d’euros pour l’ensemble du monde agricole.

Sous l’égide d’INAPORC, ce rapport a été rédigé et publié au milieu du mois de décembre.

Quoique sans trop rentrer dans les détails ni formuler des propositions très concrètes (sans doute à cause du court délai de réalisation), il couvre globalement tous les axes de réflexion portant sur l’avenir de la filière.

Quelques remarques cependant.

-         -  Proposer une nouvelle segmentation qui irait du porc standard au porc label, sous différentes marques de qualité, revient en fait à procéder à une segmentation entre le porc standard et…. le porc standard. Qu’il soit « bio », sans OGM, sans antibiotique, avec des Omega 3, castré ou non, etc… la différence dans l’assiette du consommateur (point essentiel) est très faible, à l’exception peut-être du porc fermier Label Rouge, élevé en plein air. On est très éloigné de la nécessité de partir de la demande finale, celle du consommateur, d’imaginer des porcs de rupture, réellement haut de gamme, dont on peut constater aisément la qualité dans l’assiette, démarche qui peut tirer toute la filière vers le haut. Remarquons toutefois qu’il est fait mention de la nécessité de développer les six races locales françaises autour du LIGERAL.

-       -    Il n’est pas certain que l’approche horizontale préconisée (règles nationales s’appliquant à tous partout) soit susceptible de mettre en place des solutions pratiques dans un délai raisonnable, tant les préoccupations des uns et des autres sont divergentes.

-      -     La compétitivité est surtout comprise en terme de coût (ou de moindre coût) et non en terme de qualité.
-          Dans le même droit fil, on a l’impression que le président d’INAPORC est toujours très sceptique sur les possibilités de se développer sur le marché haut de gamme et bio. On a connu plus d’entrain.

-        -   La présence, parmi les signataires, de la FICT, est plutôt bon signe. Rappelons que cette fédération des transformateurs avait quitté INAPORC il y a deux ans, lui reprochant son inactivité pour répondre à la demande d’animaux « bios » et segmentés.
    
       En résumé, beaucoup de bonnes intentions, mais les différents plannings de mise en œuvre paraissent très optimistes quand on voit l’état actuel de la filière au niveau local, en particulier sur les produits « segmentés ».

      Comme souvent dans cette filière, on perçoit davantage dans ce document une préoccupation de défense des producteurs, surtout des éleveurs, et nettement moins une démarche dynamique  de conquête de marchés, qu'ils soient nationaux et internationaux.
Là se situe pourtant la clé d'une relance durable de la filière porcine française.