vendredi 6 novembre 2015

Pour créer de la valeur : viser l'excellence et organiser la rareté.


« L’ennui naquit un jour de l’uniformité ». Cet adage bien connu que l’on doit à un poète resté confidentiel (Antoine Houdar de la Motte, le saviez-vous ?) est devenu à l’insu de son plein gré un des fondamentaux du marketing stratégique.

Que faire sur un marché important, banal et récessif, un marché où l’offre est abondante et uniforme et la demande uniquement orientée par le prix ?

Diminuer ses coûts pour devenir encore plus compétitif, répondront en cœur les hérauts de cette fameuse et mal nommée « économie de l’offre ». Sur un marché ouvert aux quatre vents, comme celui du porc, cela conduit à rationaliser et agrandir les exploitations pour obtenir de meilleures performances techniques, c’est-à-dire en fait à diminuer le nombre d’élevages et d’éleveurs, à concentrer la production sur un minimum d’espace dans un minimum de régions, au détriment des autres , à réclamer à grands cris moins de contraintes environnementales, de charges sociales, d’impôts (y compris ceux qui frappent d’abord les concurrents comme l’Ecotaxe…), ce qui revient à accorder des droits à polluer et à développer un sous-prolétariat rural (éleveurs inclus) qui devra compter sur l’aide publique pour assurer sa santé et plus tard sa retraite. Une vaine et dérisoire course à l’échalotte, qui est en train de se finir très mal comme on peut actuellement le constater.

L’économie de l’offre, cela pourrait être autre chose : proposer des produits innovants qui dégagent de la valeur ajoutée. Cela peut aller de paires avec une autre tactique : créer l’envie par la rareté…. et faire ainsi accepter par le consommateur un prix plus élevé, que l’on justifie par la qualité et la satisfaction d'acquérir un produit valorisant. D’une certaine façon, il s’agit pour le producteur de construire sur son nom et sa pratique sa propre demande, qualitative et solvable (petit clin d'œil à JB Say, et sa loi des débouchés: "l'offre crée sa propre demande", qui sera ainsi confortée !).

Il n’y a pas besoin d’avoir lu Bourdieu pour comprendre que, si tout le monde a besoin d’une voiture pour se déplacer, certain se contentent d’une Dacia d’occasion et d’autres se sentiraient déchus de ne pas rouler avec le dernier modèle de Ferrari (délai de livraison, 6 mois minimum), ou d’Aston-Martin (la Porsche, ça fait maintenant un peu pollueur ringard !), avec heureusement tout l’éventail des choix intermédiaires.

Dans le domaine de l’habillement, de l’équipement de la maison, des voyages, et beaucoup d’autres, les producteurs l’ont bien compris, il en faut pour tous les goûts, à tous les prix, et même dans le secteur du Luxe, il y en a pour toutes les bourses : chacun a droit à son petit bout de luxe de temps à autre…

Sans compter que cela crée une dynamique, un "effet de gamme", qui pousse clients et fournisseurs vers le haut, vers le plus qualitatif, qui finit souvent par devenir plus accessible au plus grand nombre.

Dans l’alimentaire aussi. Il existe sur presque chaque rayon un premier prix, un produit MDD, un produit de marque et, assez souvent, un « haut de gamme », plus ou moins artisanal et régional quand cela est possible. Tous sont des produits qualitatifs, mais avec des niveaux d’attente de la clientèle différents et des niveaux de prix différents.

C’est aussi une réalité pour les produits porcins : le prix d’une tranche de jambon sec peut varier du simple au quintuple dans un même magasin en fonction de critères plus ou moins objectifs comme le lieu d’achat, l’enseigne, l’appellation, la marque, le conditionnement, etc… Un point commun cependant: dans la quasi-totalité des cas, le prix du porc acheté à l’éleveur reste le même, en fonction du cours fixé ( ?) par le cadran breton.

Il n’existe quasiment aucune capitalisation sur l’origine, la qualité, la marque de la matière première, comme cela est le cas dans le secteur viticole, le fromager AOP, et aussi, à un niveau moindre, maraîcher.
Et pour cause : la filière porcine actuelle, adepte de l’économie de l’offre la plus dogmatique, consacre depuis 30 ou 40 ans des moyens puissants souvent fournis par l’Etat, sur les différentes façons de produire moins cher en uniformisant l’offre. A l'exclusion de toute autre démarche.

On en voit le résultat….

Les quelques tentatives de diversification par la qualité restent marginales, car en fait trop peu segmentantes dans l’esprit du consommateur. Le porc fermier label rouge ou bio, c’est mieux que rien, mais ça ne fait pas vraiment rêver non plus.

Les quelques producteurs locaux de porcs de races locales, élevés en plein air, etc… travaillent souvent avec des moyens très limités, sont peu formés et en aucun cas reconnus ni soutenus par la filière. Pourtant les meilleurs d’entre eux n’arrivent pas à fournir leurs clients.

Alors ?

Il faut impérativement retourner la méthode d’approche du marché et des consommateurs.
- La consommation de viande en général et de porc en particulier est appelée à diminuer régulièrement.
- L’attente des consommateurs, et en particulier de ceux qui constituent les leaders d’opinion par le pouvoir d’achat et le niveau culturel, se porte de plus en plus vers l’authenticité, la typicité, le terroir, le produit sain, la proximité etc….
- Ces attentes peuvent se gérer au plus près de la production, de l’élevage comme de l’abattage, la découpe et la transformation en circuit court (ce qui ne signifie pas uniquement vente locale: "produire local, vendre mondial").
- Il est donc indispensable de réfléchir à la façon d’apporter de la typicité et de l’authenticité et de l'identité dès l’élevage :
o La race de porc
o Les conditions d’élevage, qui doivent rendre les animaux visibles de tous.
o L’alimentation, à base de productions locales
o L’âge d’abattage
o La proximité : redéployer les élevages sur tout le territoire, en fonction des traditions charcutières et salaisonnières locales.
o L’appellation d’origine, publiques (AOP, IGP, etc…) ou tout simplement privées avec une marque commerciale et une certification.
- De se sortir de la logique des marchés de masse incontrôlables (l’aliment et la carcasse TMP 56).
- D’intégrer l’aval dans une même structure économique (entreprise filière) afin d’éviter les conflits d’intérêt que provoque la répartition de la valeur ajoutée entre les différents niveaux de la filière.

Une telle démarche doit produire trois effets :
- Effet d’excellence : relancer le marché par une offre de haute qualité.
- Effet de rareté relative, toujours par une production maîtrisée (gestion quantitative de l’offre)
- Effet d’envie auprès de ceux qui n’y ont pas encore accès (gestion de la communication)

En fait, en matière de stratégie, on n’invente rien, on copie les stratégies des producteurs de luxe, entre autre dans le secteur viticole.

Encore faut- il s’en donner les moyens.

Sur de telles bases, il doit être possible de ramener des capitaux privés autour de projets d’entreprises filières crédibles, susceptibles en outre de faire remonter de la valeur ajoutée dans les campagnes en perte de vitesse et de relancer une dynamique prospective dans ce secteur actuellement naufragé.

Ceux qui veulent en savoir plus peuvent me contacter.

quelcochonmangeronsnousdemain@gmail.com